Le feu d’origine humaine est une constante historique, mais dans le contexte de la mutation de la société corse, il devient une arme de destruction massive au service des criminels.
Le rapport à un territoire nourricier sacralisé associé à une gestion communautaire et populaire de la ruralité sont un mode de fonctionnement agro-pastoral qui a vécu en Corse. En dehors de quelques associations prenant des initiatives ici et là, ce rapport à la terre n’existe plus. Exit i nostri paesani affairés à entretenir les parcelles, les chemins, les murs et les ruisseaux. La désertification de l’intérieur n’est pas qu’une vue de l’esprit.
Dans ces conditions, sans cet investissement collectif du territoire, la faune et la flore sont exposées aux coups dispensés par des mains criminelles.
Ces incendiaires criminels porteurs de désolation obéissent à des motivations différentes. Si l’on tient compte des personnes relevant du soin psychiatrique, on trouve également pêle-mêle ceux qui veulent faire partir le gibier en face, ceux qui projettent de lotir à moyen terme, etc… Il n’y a qu’à voir certaines parcelles encore boisées dans les années 90 et sur lesquelles ont aujourd’hui fleuri des lotissements. C’est exercer pleinement et activement sa citoyenneté que de combattre et de dénoncer ces criminels.
Au cours de la semaine écoulée, la gestion des feux en Corse et en France n’a pas bénéficié de la mise en œuvre des mêmes moyens de lutte. Cela a pesé lourd dans la balance. Mais de la part d’une puissance intéressée à la disparition pure et simple du peuple corse, rien d’étonnant. La lutte acharnée des pompiers au sol avec des moyens aériens déficitaires doit être à ce titre d’autant plus saluée.
La prédation, l’abandon, le geste irrationnel, la haine sont autant de causes aboutissant au même résultat : une destruction massive du vivant, un appauvrissement des territoires et une atteinte grave au cadre de vie.
Les dégâts sur les communes d’Ulmetu di Tuda et de Biguglia sont très importants. La prochaine menace sera à n’en pas douter, liée aux intempéries telles qu’on a pu les connaître cet hiver, avec des ravinements massifs et des coulées de boues et de débris végétaux hors normes. Une catastrophe s’annonce d’ores et déjà.
La logique voudrait que l’on n’attende pas les décisions des pouvoirs publics et dans appeler à la « Sulidarità » en en passant par la « chjama ». Ces mots ont-ils encore un sens, une résonnance dans les esprits aujourd’hui ? Cinquante personnes armées de pelles et de pioches pourraient faire des retenues en bois, des tranchées d’évacuation et autres petits aménagements pour éviter que l’eau n’emporte tout sur son passage. Les communes pourraient organiser des opérations populaires de reboisement. La préservation du cadre de vie devrait normalement être l’affaire de tous, à l’opposé de ces individualistes inconscients qui n’ont même pas déboisé autour de leurs villas à de rares exceptions près qu’il faut saluer (notamment à Ortale di Bigulia).
« Strutta Tarra, mortu u populu », à chacun de prendre ses responsabilités.
A MANCA