Le mardi 30 avril, à l’appel du syndicat Via Campagnola, plus de trois cents personnes se sont réunies devant les grilles de l’assemblée de Corse, afin d’apporter leur soutien à Pierre Alessandri et à sa famille.
Après l’incendie criminel qui a détruit l’outil de production de ce paysan engagé, l’heure est sans doute au dégoût et à la colère. Mais les porte- paroles de Via Campagnola ont fait entendre clairement des propos qui en appelaient à des clarifications tout en replaçant dans son contexte l’action criminelle perpétrée à l’encontre, certes de Pierre Alessandri mais au- delà de la personne du militant, à l’encontre de la Corse qui veut vivre de son travail.
Les militants de la Manca présents ont retenu avec beaucoup d’attention l’exigence de clarification formulée par les représentants du syndicat Via Campagnola. Nous avons compris que ce message s’adresse à la fois aux responsables de l’actuelle majorité régionale mais aussi à des membres du monde agricole qui, tout en étant connus pour leurs opinions nationalistes, entretiennent confusion et ambiguïté.
La récente campagne des élections professionnelles de ce secteur était révélatrice de tensions internes ; elle s’est en effet déroulée dans un contexte marqué par les questions des primes, du devenir des terres à potentialité agricole et de l’opacité qui règne au niveau des chambres et autres institutions propres à la profession. Comme l’ont également relevé les représentants du Levante, le phénomène de la spéculation immobilière et les prises de décisions des représentants de l’Etat ont amplement contribué à faire peser sur la partie saine du monde de l’agriculture, de graves menaces.
Cette part importante du monde agricole a ainsi subi des violences, comme c’est le cas pour les associations de défense de l’environnement.
A Manca qui depuis des décennies s’est engagée sur le terrain de la lutte des espaces naturels collectifs, littoraux comme montagneux, ne peut que souscrire sans hésitation à ces propos. Mais comme l’ont souligné fortement les porte- paroles de Via Campagnola, il ne suffit plus d’actions de soutien après des méfaits, mais il convient de mettre à bas un système qui favorise toutes les prédations.
Dans cette perspective incontournable les discours de circonstances ne suffisent pas. Lutter pied à pied pour la moralisation de la vie publique est certes indispensable mais il faut aller bien au- delà afin d’agir à la racine du mal.
Il est grand temps que tous les masques tombent. On ne peut en effet, se revendiquer du mouvement national et cautionner les dérives qui voient l’argent public des primes détourné de ses véritables buts. On ne peut pas davantage s’abriter derrière des discours de façade et dans les faits, ne pas agir fermement contre des groupes de pression, qui au nom des intérêts de la Corse, spéculent et tentent de s’emparer des espaces naturels.
De ce point de vue- là, les formations de l’actuelle majorité régionale sont directement interpellées. Certes, l’Etat français porte d’écrasantes responsabilités dans le contexte délétère que nous connaissons, mais il n’est pas le seul à œuvrer contre nos intérêts collectifs. Les spéculateurs et les prévaricateurs de tous ordres sont bel et bien au cœur de notre société et cela, aucune des structures du mouvement national, ne peut faire semblant de l’ignorer.
Pour notre compte, les clarifications sont avant tout d’ordre politique et elles posent centralement la question des projets de société.
Si ruptures il doit y avoir, cela implique d’être conscient que le système de l’économie de marché et le néo libéralisme portent en eux les germes de la disparition du monde paysan, comme ils favorisent toutes les violences sociales.
Tout en appelant à soutenir l’action de Via Campagnola afin que l’exploitation de Pierre Alessandri soit reconstruite (voir le site du syndicat), il nous faut une fois de plus, et inlassablement, réaffirmer que la lutte d’émancipation ne peut faire l’impasse sur le projet de société qui doit la fonder. Il faut donc faire un choix entre une saine rupture et des accommodements qui ne règlent aucune question mais ne font tout au contraire qu’amplifier les dégâts.
A Manca