Sur les quatre fauteuils disponibles à l’assemblée nationale française, la coalition Per A Corsica (Femu a Corsica, Corsica Libera, Partitu di a Nazione Corsa) en remporte trois.
Ces succès mettent à bas des citadelles clanistes et consacrent la stratégie du centrisme nationaliste.
Et c’est en cela, le tout premier enseignement a tirer.
Certes, comme se plaît à le rappeler à l’envi, l’actuel président de l’Assemblée de Corse, la majorité régionale est aussi composée d’une tendance indépendantiste, mais les territoriales de décembre 2015, la prise de la mairie de Bastia et cette dernière victoire, consacrent indéniablement la domination des régionalo-autonomistes libéraux sur l’ensemble du mouvement national.
Alors que sur le territoire français l’abstention atteint des records historiques (57%), elle est moindre sur trois circonscriptions de Corse (1ère de Haute-Corse 50,77%, 2 ème de Haute-Corse 45,70% et 2ème de Corse du Sud 44,94%), précisément là où étaient encore en lice des candidats nationalistes. Dans la 1ère circonscription de Corse du Sud qui voyait s’opposer un membre de LR et une macroniste de fraîche date, l’abstention culmine à 59,24% ; dans les faits cela signifie que les électorats nationalistes, anciens et nouveaux, se sont fortement mobilisés.
Pour une compréhension des phénomènes, il n’est pas inutile de préciser que les résultats donnent à constater une réalité. Les députés issus de Per a Corsica totalisent respectivement, 32%, 28% et 27% du montant total des inscrits et le député LR, lui est élu avec le montant de 24% des inscrits.
Les institutions de la 5ème république française permettent donc à des députés de siéger en représentant entre 1/3 où 1/4 de celles et ceux qui se sont inscrits sur les listes électorales (le chiffre des non inscrits ne faisant lui, l’objet d’aucune étude).
Au risque de contre dire encore une fois les commentaires d’une partie des médias insulaires, le succès de la majorité régionale est relatif, pour peu que l’on prenne en compte le fait que la fourchette des électeurs n’ayant pas voté nationaliste oscille entre 68% et 73%. Raisonnement qui vaut pour le score de Macron dans l’hexagone, et ce, dans des proportions encore bien plus importantes.
La crise de représentation que connaissent les institutions politiques françaises vaut pour la Corse et cela a au moins une signification : le système capitaliste morcelle les sociétés et sape les institutions censées lui garantir sa pérennité. Et c’est bien un monde du travail en proie aux marasmes économiques et sociaux qui fournit l’essentiel des divisions abstentionnistes, un point sur lequel s’accordent de nombreux analystes. Ce sont également les salariés, les chômeurs et les petits retraités qui ne reconnaissent pas majoritairement dans les offres politiques actuelles, et qui optent aussi pour des votes protestataires dont les néo-fascistes du FN ont largement bénéficié lors de la dernière présidentielle. L’amnésie toute apparente des médias et des partis politiques de Corse, nationalistes y compris, permet à d’aucuns de savourer la victoire d’un soir, mais il y aura des lendemains moins glorieux. Il ne suffira pas bien longtemps encore de se contenter de dénoncer la précarité et le mal de vivre, pour surfer au sommet de la vague des luttes institutionnelles. Macron et ses acolytes vont cogner dur. Une fois passé « l’état de grâce » les additions économiques et sociales vont immanquablement provoquer un immense mouvement de colère. Rien ne garantit que la vague de fond portera des pseudos insoumis au devant de la scène et que la rue résonnera des revendications populaires. Le tournant de facture national-socialiste du FN n’a pas encore produit tous ses effets et si les combines institutionnelles éloignent encore un temps les fascistes du pouvoir, la tendance lourde est là qui voit leurs thèmes empuantir la vie publique.
Le troc d’un peu d’autonomie contre beaucoup de libéralisme, ne constitue en rien une alternative susceptible de satisfaire aux intérêts des classes populaires.
Avec la défaite des clans, une partie des tutelles a été levée et cela peut participer d’une possible politisation des consciences, mais sûrement pas dans le champ clos et biaisé des seules luttes institutionnelles. La petite bourgeoisie, en Corse comme ailleurs, ne doit ses relatifs succès qu’au vide sidéral qui se substitue à une pseudo gauche en coma dépassé.
Alors l’alternative ? Elle est à construire, sur le fond, en réintroduisant du sens dans les débats, en tirant tous les bilans des expériences du passé, et en favorisant l’action consciente et sans intermédiaire du monde du travail. C’est à cela que nous vous invitons sans présager des temps et des rythmes nécessaires. Ce qui est sur, c’est rien ne se fera sans affronter le système capitaliste, non pas pour le réguler ou le convaincre illusoirement du bien fondé de la justice sociale, de l’écologie, du droit à l’autodétermination et de toutes les revendications sociétales, mais en l’abolissant sans concession aucune. Tout autre chemin conduit à une impasse dans laquelle est aux aguets la bête immonde.
A Manca