En ce printemps 2020, dont bien peu d’entre nous auraient pu imaginer le cours inédit, face à la catastrophe sanitaire d’ampleur mondiale qui frappe, une population s’avère particulièrement exposée au Covid-19. Il ne s’agit pas d’une catégorie socio- professionnelle précise ni d’un corps de métier comme on disait dans la société d’avant. Il s’agit d’un genre trop souvent oppressé et infantilisé, d’un genre trop souvent en première ligne, pour filer l’inacceptable et imbécile métaphore guerrière dont se gargarisent nos piètres gouvernants. Ce genre se trouve surinvesti et mobilisé dans l’action, aux heures les plus sombres d’une Histoire qui a longtemps été celles des vainqueurs, donc des hommes.
Il s’agit des femmes.
En effet, force est de constater une féminisation massive et donc, significative des emplois de soignants, des professions médico-sociales, des personnels de la grande distribution, des aides à la personne, et même parmi les troufions des forces de l’ordre contrôlant le respect du confinement.
Les femmes se retrouvent une fois de plus disons-le, au charbon et non reconnues comme telles, noyées qu’elles sont dans une gratitude aussi englobante que lénifiante, gratitude sans destinataire, gratitude que le caractère anxiogène de la situation, exacerbe, sans lui donner de contenu, ni de contours politiques précis.
Rappelons-nous pourtant que ces femmes, souvent victimes de la précarité, du temps partiel au travail, ont le professionnalisme d’affronter des situations de risque sanitaire majeur, alors qu’elles se retrouvent face à des responsabilités de parent, voire de parent isolé d’une famille mono-parentale par exemple, et donc confrontées à des difficultés de garde accrue en ces temps.
Peu leur importe d’être les héroïnes qu’elles n’ont pas demandé à être. Ce n’est pas une médaille, un hochet infantilisant qu’elles souhaitent recevoir. C’est à une reconnaissance en tant que professionnelles d’un secteur, aptes à en porter les légitimes revendications, à en relayer les besoins, qu’elles aspirent. Elles demandent tout simplement à bénéficier de certains droits au nom d’une certaine idée de la justice sociale. Ce qu’elles réclament, c’est de voir cesser sans délai et à toutes les échelles, ces situations d’une pénibilité inouïe sans compensation aucune, d’aucune sorte. C’est à la loi de les rendre illégales, insupportables et d’y mettre un terme définitif.
Mais nous direz-vous à juste titre, la loi n’est que la résultante de rapports de force politiques. Faute de loi imminente, il faut donc exprimer fortement des exigences. Il est temps d’en appeler à des formes de mobilisations, sans pour autant oublier les circonstances particulières qui empêchent pour l’instant entre autres, toute manifestation.
Dans un premier temps, face à l’ampleur des risques pris sans compensation, des revendications doivent être portées sur les moyens et courts termes. Certes, les quelques mesures que nous allons évoquer, ont un caractère universel, mais elles se justifient pleinement tout d’abord au bénéfice des métiers les plus exposés qui concernent massivement des femmes.
Ces métiers doivent avant tout, recevoir une formation aux gestes liés à la prophylaxie
Pour financer ces mesures, un plan exceptionnel de grande ampleur s’impose évidemment. Pourquoi dans ce contexte où de légitimes efforts sont demandés à toutes et à tous par le gouvernement, ne pourrait-on envisager de mettre à contribution les banques et assurances, génératrices de juteux profits ?
L’urgence sanitaire exige dans un premier temps, la distribution massive et gratuite de moyens de protection. Il est inacceptable de se retrouver sans masque, ni gants, à l’hôpital, au supermarché, derrière un guichet ou en cours de livraison. Il en va de la responsabilité du gouvernement de fournir à chacune et à chacun le nécessaire.
Comme cela se fait parfois -mais pas systématiquement- pour les enfants de soignants, il faut envisager de généraliser aussi la mise en place d’un service gratuit d’aide à la garde des enfants des personnels exposés, comme par exemple ceux travaillant dans les commerces de marchandises dites de première nécessité. Ces personnels encadrants doivent bien évidemment être gérés par les mairies, testés et accrédités.
Pour éviter d’ailleurs que les risques de propagation accélérée et active du virus, ne soient multipliés, la création de réseaux de distribution à domicile des denrées de première nécessité doit s’étendre au-delà du cercle des personnes les plus à risques, et se généraliser.
A plus moyen terme, s’impose également l’exigence pour les personnes infectées dont les métiers engendrent des risques, que soient obtenue une reconnaissance possible de préjudicie subi, en tant qu’accident de travail.
Puisqu’à la catastrophe sanitaire, va succéder sans doute une crise économique et sociale de forte intensité associée à un chômage de masse qui frappe d’abord les plus précaires -donc les femmes, entre autres-, il s’avère indispensable que soit fixé à court et moyen terme un moratoire sur les loyers, avec suspension des paiements, notamment par les offices HLM. Ne perdons pas de vue dans ce cadre, le grand nombre de femmes dans la précarité et en situation d’être chefs de familles monoparentales en Corse ou encore, le grand nombre de femmes à temps partiel ou occupant les emplois les moins qualifiés.
Le corollaire de cette mesure de justice sociale en temps de catastrophe, consiste à rehausser le plafond des autorisations de découverts bancaires sans frais ni agios, mais aussi à diminuer le temps de travail sans perte de salaire.
À l’urgence sanitaire et à la violence de l’exposition des femmes dans le cadre professionnel que nous venons de rappeler, s’ajoute une autre forme de violence.
Certes, elle s’exprime dans le milieu familial et n’est pas un effet direct- mais indirect- de la présence du virus dans notre société. Toutefois, elle est redoublée dans le cadre du foyer.
Qui peut en effet mettre de côté par ce que d’une autre sorte, le risque encouru par les femmes victimes de violence dans le contexte d’un confinement imposé avec leur conjoint ? Ces femmes ne demandent que le droit de vivre dans une société patriarcale qui les annihile et se retrouvent enfermées, souvent avec leurs enfants, et leur tortionnaire.
Nous ne nous étonnerons donc pas d’apprendre qu’en Corse depuis le 30 mars, une recrudescence de situations alarmantes pour ces mêmes femmes est relevée par un média régional comme Corsenetinfos.
En conséquence, il est aussi impératif qu’urgent de mettre en place un réseau structuré d’alerte et de vigilance, se déployant bien au-delà des relais que peuvent représenter les pharmacies (comme c’est actuellement le cas), pour ces femmes confinées dans des milieux où les risques de violence sont récurrents.
Et que dire encore de l’horreur vécue par les femmes à la rue en ces temps de prolifération du coronavirus, autres femmes qui cumulent les handicaps dans une société capitaliste qui les broie et ne les voient plus ?
Au nom de toutes ces travailleuses et femmes dévouées, présentes mais silencieuses, doublement exposées au cœur d’une tragédie qui les dépasse, nous demandons bien davantage que l’indispensable, solidarité.
Nous demandons la justice et le droit.
Nous croyons fermement que cette pandémie et les conséquences désastreuses qu’elle aura sans doute sur le plan économique et social constituent néanmoins un mal pour un bien.
En effet, cette expérience âpre et inédite peut représenter pour les citoyennes et les citoyens un réveil des consciences, des énergies. Mais aussi, elle peut se faire le formidable révélateur d’une société mortifère dont on ne veut plus : société d’intérêts particuliers fragmentés et antagonistes qui privatise les profits et mutualise les pertes, société du tout marchandise, société productiviste et énergivore programmant l’anéantissement de la Planète.
Peut- être pourrons- nous réaliser l’ampleur du pouvoir de citoyen qui veut organiser avec l’ensemble des autres, la mise en œuvre du Bien Commun ?
Pourtant, malgré ces perspectives et ces dynamiques, nous voulons rappeler que l’heure est à une urgente mobilisation des femmes -en ces temps de confinement, par tous les moyens et espaces que la technologie et les réseaux leur offrent- car la crise économique et sociale à venir va immanquablement augmenter dans de fortes proportions leur précarité et leur détresse matérielle, condition sine qua non d’un début de désaliénation. Cette crise menace également de faire régresser le travail de conscientisation toujours en cours sur l’oppression des femmes par la nature patriarcale du système néo-libéral mondialisé.
Donne di Manca