Parce qu’il va engager la vie des Bastiais et l’avenir de leur ville pour ce siècle, le projet de nouveau port est l’enjeu central de ces élections municipales à Bastia. Les répercussions des choix qui seront faits aujourd’hui dans ce dossier seront si importantes, qu’aucun discours ambigu sur ce sujet ne pourra être admis.
Toutes celles et ceux qui aspirent à représenter nos concitoyens bastiais ont l’obligation d’exprimer une position claire, car celle-ci contribuera à éclairer de facto les choix stratégiques de la Collectivité de Corse dans le domaine des infrastructures portuaires.
A Manca exprime une opposition ferme contre ce projet, indépendamment de la question de la coloration politique de la majorité territoriale actuelle. Sans dogmatisme aucun, nous sommes convaincus que ce projet ne répond pas aux intérêts des Bastiais et des Corses. Mais surtout, il a été présenté d’une telle façon qui laisserait à penser qu’il n’existe aucune alternative, ce qui ne correspond pas à la réalité. C’est pourquoi A Manca tient à faire partager ses arguments sur le Fond et sur la Forme, y compris en terme de propositions.
UNE OPPOSITION DE FOND A UN PROJET QUI NE RÉPOND QU’AUX INTÉRÊTS DES PROFITEURS ET DES DÉPENDANTISTES.
> Un port au service d’une minorité.
Les intérêts des profiteurs, qu’ils soient patrons de la grande distribution ou spéculateurs du BTP, ne sont pas ceux des bastiais. Leur seule logique est celle du profit et certainement pas celle du bien commun. Le projet de la Carbonite permettra de capter de l’argent public mais également de réaliser de vastes opérations immobilières entre la route du front de mer et l’avenue de la Libération.
La concession d’exploitation mettra de facto Bastia sous la tutelle d’une multinationale totalement étrangères aux intérêts de la Corse. Cette infrastructure participe d’un schéma d’inclusion dans le libéralisme globalisé au moment même ou partout sur la planète ce système montre ses limites et met en péril l’humanité. Notre pays, qui a de fortes potentialités, se voit relégué à une zone de consommation sous la tutelle économique d’une minorité.
> L’accroissement de la dépendance s’inscrit dans la politique coloniale de Macron.
Le récent conflit de la Méridionale révèle la véritable nature et les véritables priorités des profiteurs du Consortium. Sur les 50 premières remorques débarquées après le blocus, 45 étaient destinées au BTP : il est manifestement plus important de noyer les Corses dans le béton que de les nourrir. Un secteur du BTP adapté aux besoins des Corses pourraient se tourner vers des matériaux locaux et prioriser une économie insulaire basée sur l’éco-construction. Mais ce secteur aux mains des capitalistes locaux préfère augmenter les flux de matériaux pour accroître, à marche forcée, la construction de logements permettant l’importation de nouveaux consommateurs, des millions de touristes et des dizaines de milliers de nouveaux résidents.
L’accroissement des flux de marchandises, à l’opposé des circuits courts et d’une économie productive, vise à accroître et à standardiser la dépendance des Corses pour les biens de première nécessité venant de l’extérieur. Les Capitalistes insulaires poursuivent l’œuvre de l’armée française qui avait détruit de nombreuses châtaigneraies en 1769 pour rendre les Corses dépendants de la métropole. Cette phase néo-libérale doit être perçue comme la phase d’intégration ultime dans l’ensemble économique français, alors que Bastia et la Corse ont une dimension naturelle tournée vers la Méditerranée. Ce projet de port est une arme au service de l’impérialisme économique dirigé contre le Peuple Corse.
UNE OPPOSITION DE FORME A UN PROJET INADAPTÉ AUX ENJEUX CLIMATIQUES ET DE PROTECTION DES POPULATIONS.
Le projet de Portu Novu de la Carbonite présente plusieurs inconvénients majeurs :
– Cette structure ne durera pas 150 ans contrairement aux effets d’annonces. Les dernières projections de L’ONU et de la NASA sont très claires, la montée du niveau des océans sera beaucoup plus importante que prévue à partir des années 2050. Des centaines de millions d’euros seront donc investis en pure perte sur le moyen terme.
– La ville de Bastia sera laissée sans défense face à un risque de submersion durable et un cycle de tempêtes accrues.
– La dernière plage populaire des bastiais sera condamnée.
– Sur le court terme la pollution toxique des navires (dont la mise aux normes prendra du temps) sera déplacée vers les quartiers les plus densément peuplés.
> Les alternatives existent.
Ce n’est pas parce que tous les bastiais ne sont pas ingénieurs en Génie Maritime qu’on doit leur faire avaler n’importe quoi sur le plan technique.
L’argument qui consiste à dire qu’on ne peut pas construire un nouveau port en dehors des terrains rocheux ayant une portance suffisante est une demi-vérité, car tout dépend du type d’infrastructure que l’on souhaite réaliser.
Évidemment, un système de quais avec un dépôt de remorques intégré nécessite, du moins pour des raisons de coûts de réalisation, la recherche d’un linéaire côtier rocheux. Mais depuis la seconde guerre mondiale, et plus particulièrement ces 20 dernières années, les possibilités en terme d’infrastructures portuaires sont aussi variées qu’évoluées sur le plan technique.
Pour Bastia un cahier des charges cohérent devrait répondre à des objectifs précis :
A – Protéger le centre ville de la montée des eaux et des cycles de tempêtes accrues.
B – Rénover le Port actuel en y maintenant un trafic passager régulé.
C – Interdire l’accostage du fret en centre ville, c’est à dire dans le Port actuel.
D – Créer sur le territoire du Grand Bastia un Port destiné au fret et adapté à la fois aux menaces et aux exigences environnementales.
Il y a donc deux dossiers à dissocier, celui du réaménagement portuaire de Bastia et celui de la réalisation d’une nouvelle infrastructure pour le débarquement du fret.
> Protéger la ville : un enjeu de sécurité majeur
Cet objectif vital peut s’articuler autour de deux tranches de travaux.
La première tranche consistera à surélever, prolonger et renforcer la jetée du Nouveau Port existante. A l’instar de ce qui se fait devant de nombreux ports, la réalisation d’un brise lame devant Bastia est un impératif de sécurité, peu importe la solution technique retenue.
La seconde tranche pourrait se matérialiser par un vaste système d’écluses. Ces installations très courantes dans le nord de l’Europe pourraient contribuer à sécuriser toutes les enceintes portuaires de Bastia et anticiper ainsi sur une montée du niveau de la mer.
> Mieux gérer le trafic de marchandises.
Une infrastructure destinée aux débarquements des transports de marchandises ne passe pas nécessairement par la réalisation d’un Quai. Un projet qui couple un système d’Appontement et de Dépôt terrestre serait beaucoup plus adaptée au linéaire côtier de la plaine.
Sur le plan technique ce type d’infrastructure se construit à partir de grands caissons en béton armé. Une partie de ces caissons sont immergés et servent de brise lame, les autres flottent et sont solidement amarrés. Ces structures sont parfaitement adaptées à des terrains sablonneux. Cette technologie est sure, l’énergie d’accostage est adsorbée même en cas de vent ou de houle.
Ce type d’appontement ne sert qu’à l’amarrage des navires et au débarquement des remorques. Les travaux de manutention et de stockage son effectuées plus loin, dans un site de dépôt éloigné de la mer (très facile à réaliser).
Cette solution présente plusieurs avantages :
– Elle est modulable et peut s’adapter à une montée du niveau de la mer.
– Elle est suffisamment solide pour résister aux tempêtes.
– Elle permet de préserver le site de l’Arinella, car les possibilités d’implantation sont variées (Couplage avec celle du dépôt pétrolier de la Marana ?).
– Elle résout le problème de la saturation de Bastia par le passage des semi-remorques.
A Manca a livré une position claire et argumentée sur ce dossier. Nous appelons l’ensemble des bastiais et bastiaises à demeurer très vigilants et à se mobiliser par tous les moyens démocratiques pour faire reculer un projet qui ne correspondra jamais à leurs intérêts. Ces élections municipales constituent un moment clé pour se faire entendre dans les débats et pour demander aux différents candidat(e)s de prendre leurs responsabilité.
A MANCA