Voici un projet de Résolution présenté par 3 membres de la direction d’A Manca à l’ensemble des militants en vue de la prochaine Assemblée Générale d’A Manca de Mars prochain.
Il ne s’agit donc pas d’une version définitive, mais d’un texte soumis aux débats et susceptible d’intégrer des amendements éventuels. Il s’agît ici de montrer publiquement comment la démocratie interne fonctionne au sein d’A Manca. D’autres annonces seront faites.
PROJET DE RESOLUTION : ANALYSE DE LA SITUATION POLITIQUE
A) SUR LE PLAN INTERNATIONAL, PEUT-ON PARLER D’UNE CRISE DU CAPITALISME ?
La crise dite des subprimes de 2008 et les mini cracks boursiers récurrents qui ont suivi ont fixé l’idée dans les opinions publiques selon laquelle le capitalisme connaît une période de crise. Précisons tout de suite que ce terme ne signifie aucunement un affaiblissement du capitalisme. Bien au contraire, la rémunération du capital n’a jamais été aussi forte. Ce que l’on doit comprendre par crise du capitalisme, c’est une période cyclique durant laquelle la seule question qui affecte le fonctionnement de ce système, est de trouver des solutions, classiques ou innovantes dans le but de maintenir le taux de profit.
Si la situation l’exigeait, les capitalistes seraient capables d’une unité d’action beaucoup plus rapidement mise en œuvre que ne pourrait le faire le monde du travail. Pour autant, les capitalistes font aussi preuve de fortes contradictions internes.
C’est la loi du plus fort, brutale et cynique, qui régule les rapports internes entre capitalistes, mais également des courants de pensée adossés à des intérêts et traditions différents.
Le capitalisme financier international entend défendre ses propres outils et moyens de profit fondés essentiellement sur des flux financiers numériques, déconnectés des appareils de production. Ces flux se trouvent uniquement basés sur des mouvements spéculatifs de plus en plus sophistiqués. Des techniciens non-élus, au service de cette majorité capitaliste, influencent directement les politiques des Etats, se refusant à admettre toute forme de contrôle populaire (ex : Référendum sur la Constitution Européenne).Ce courant majoritaire s’inscrit parfaitement dans le cadre de la mondialisation et s’y adapte sans difficulté aucune, laissant des pans entiers des bourgeoisies et petites -bourgeoisies nationales sur le bord du chemin.
À ce capitalisme mondialiste et mondialisé s’opposent en conséquence, du moins sur les choix tactiques et les solutions de maintien des taux de profit, les bourgeoisies nationales traditionnelles. Ces dernières se voient dans l’incapacité de s’adapter à l’hyper-compétitivité internationale, qui est déconnectée des rythmes de réorganisation économique techniquement soutenables (démontrant bien une opposition de plus en plus marquée entre économie réelle de production et économie virtuelle de spéculation).
Ce qu’il reste des bourgeoisies nationales draine dans son sillage la majorité de la petite bourgeoisie -ce qui explique partiellement la présence et la stratégie du Front National et de ses homologues européens, tous promoteurs de solutions protectionnistes.
Malgré ses divergences, l’ensemble des capitalistes parvient à s’aligner sur des orientations consensuelles :
- La baisse de la rémunération du travail
- La compétition pour le contrôle des ressources et autres matières premières
- La recherche de nouveaux secteurs marchands
Le capitalisme doit consolider son hégémonie idéologique pour atteindre ces objectifs. La pression idéologique sur le monde du travail s’exerce par les moyens de propagande (médias) mais également par des offensives importantes portées contre les acquis sociaux.
Des groupes prédominants comme Goldman Sachs préconisent l’instauration de régimes autoritaires pour imposer la réduction drastique du coût du travail. Dans cette optique, les capitalistes tiennent compte des rythmes de développement des différentes nations et privilégient les solutions politiques pragmatiques, soit les plus adaptées aux réalités nationales. Dans les pays où les expériences de démocratie bourgeoise ont été limitées, voire inexistantes (Pologne, Hongrie, Ukraine, Bulgarie par exemple), les solutions populistes et fascisantes leur semblent plus rapides et efficaces afin de réduire par la contrainte les revenus des travailleurs.
Dans d’autres pays aux traditions démocratiques plus anciennes (France, Allemagne, Grande Bretagne par exemple), les sociaux libéraux ou libéraux classiques sont tout à fait disposés à garantir eux-mêmes la mise en œuvre de politiques anti- sociales. La recherche de la baisse de la rémunération du travail peut donc s’appuyer sur un personnel politique différent.
Les zones de conflits majeurs existant actuellement correspondent aux principaux gisements de minerais rares et ressources en énergie fossile. Dans ce cadre, les capitalistes n’ont pas hésité à instrumentaliser certains courants fondamentalistes religieux auparavant armés par eux pour lutter contre l’URSS. Les conflits semblent limités à de grandes sphères régionales (continent africain, Proche et Moyen-Orient). Toutefois, on ne peut exclure le risque d’un conflit armé en Europe.
La Guerre est une solution pratique pour atteindre deux objectifs : l’accroissement rapide du taux de profit destiné au secteur militaro-industriel et la création sur le moyen et long terme de marchés très importants pour la reconstruction des infrastructures et du secteur des services.
Les capitalistes explorent également de nouveaux marchés.
Leurs instruments de propagande idéalisent aussi bien de nouveaux lieux de promotion d’un capitalisme qui se veut moderne (par exemple, celui pratiqué dans les pays dits émergents), que des bulles spéculatives (Start Up).
Dans la réalité, ces phénomènes ont un effet d’entraînement limité dans temps. Ainsi, la Chine par exemple est passée d’un taux de croissance à deux chiffres à un taux de croissance à un chiffre. On pourrait aussi parler du Brésil, pays où le chômage explose. L’effet Start Up s’est vite amoindri du point de vue des investissements spéculatifs.
D’autres pistes sont explorées, comme la privatisation de l’Assurance Maladie en Europe, l’exploitation des ressources des fonds marins ou l’exploitation minière spatiale actuellement discutée sur le plan commercial et juridique.
Quelles que soient les politiques et techniques mises en oeuvre par les capitalistes, la crise du capitalisme signifie bel et bien une période d’offensive majeure contre les peuples et les travailleurs. C’est donc bien une position de défense et de rupture avec ce système dangereux et mortifère qui doit être maintenue, une position internationaliste qui doit guider l’activité des marxistes révolutionnaires.
B ) CORSE : L’AMORCE D’UNE NOUVELLE PERIODE
Les élections territoriales du 13 décembre 2015 ont vu la victoire des fractions majoritaires du mouvement national, accédant ainsi au pouvoir institutionnel. Cette victoire est la résultante de plusieurs facteurs : un phénomène générationnel, un courant autonomiste prédominant qui se veut porteur d’un message rassurant, crédible et équilibré, ainsi que la dissolution du FLNC.
Le débat public en Corse n’a plus été dominé par la question de la violence politique mais par les clivages entre partisans et adversaires d’évolutions institutionnelles.
A l’exception de la fraction indépendantiste qui peut poser pour sa part un problème en politique intérieur, l’Etat peut se satisfaire d’une solution politique d’autonomie plus ou moins avancée dans la République.
La petite bourgeoise corse qui domine aujourd’hui l’ensemble du champ politique traditionnel, s’est investie dans ces changements, en fonction et au service de ses propres intérêts. Elle œuvre à construire et imposer un discours idéologique qui cherche à confondre la défense de ses propres intérêts avec ceux de l’ensemble du peuple corse. Dans ce discours, se trouve abolie toute référence à l’existence de classes sociales en Corse et la négation de la notion même de lutte des classes.
A la périphérie des mouvements nationalistes majoritaires prolifèrent des associations ou embryons d’organisations néo-fascistes qui se revendiquent de la défense des intérêts matériels et moraux du peuple corse. Ce phénomène est dû à une conjonction de plusieurs facteurs :
- Les politiques anti-sociales menées par les gouvernements successifs ont plongé dans le désarroi et la précarité une fraction importante de la société (sous- prolétariat) et une partie des classes moyennes en voie de déclassement social, et donc de prolétarisation.
- Cette frange néo-fasciste se nourrit des conséquences de l’action engendrée par des courants islamistes radicaux.
- Elle se nourrit également, directement et/ou de façon interprétative, de thématiques venues directement du mouvement national. (celles des « racines chrétiennes de la Corse », de ce que l’on nomme la « solution globale » comme réponse interclassiste aux situations, celle de la « corsisation des emplois », de la lutte anti- drogue ou de la régulation des flux migratoires)
- Il s’agit aussi d’une réaction en miroir à l’hyper-nationalisme tricolore après l’affaire du discours en langue corse tenu par le président de l’Assemblée de Corse.
La complexité de la situation implique que nous ouvrions des débats afin d’orienter la réflexion et l’action de notre organisation au moins dans les courts et moyens termes. Cependant ouvrir des débats signifie :
- De débattre et d’échanger fermement en dehors du cadre idéologique imposé par le capitalisme et les classes dominantes. Il ne s’agit donc pas pour nous d’aménager ou de réformer le système mais d’œuvrer à construire les conditions d’une rupture décisive. Cette précaution nous évite de dévier dans les débats sur des thématiques encore une fois imposées par l’arsenal de la propagande libérale.
- Il est absolument nécessaire de se tenir à distance de deux épigones que sont l’hyper-nationalisme « français » et l’hyper-nationalisme « corse » ( tous deux fondés sur l’ethnicisme et le droit du sang). Il en va de même dans le champ du combat anti-fasciste où nous devons renvoyer dos à dos les néo-fascistes occidentaux et les islamo-fascistes intégristes.
- Tout doit être mis en œuvre au niveau de notre expression publique pour convaincre que la question des droits démocratiques du peuple corse ne doit pas être perçu comme un obstacle, dès lors qu’elle tient compte de la question de classe. La société corse est pluraliste et comporte en son sein des clivages de classes. Pour nous, la défense des droits démocratiques du peuple corse et de tous les travailleurs vivant en Corse, passe par la défense des intérêts de sa classe sociale majoritaire, le monde du travail.
Le monde du travail est divisé et victime d’une dilution de la conscience de soi. Cette évidence se matérialise aussi bien au niveau des consultations électorales que dans le champ social, où la diversité des organisations syndicales correspond plus à des clivages politiques extérieurs aux intérêts des travailleurs qu’à la nécessaire pluralité des expressions de ceux-ci.
Sur le court terme, notre tâche centrale est d’unifier les révolutionnaires, de former les cadres, tout cela dans la perspective d’une rupture avec le capitalisme. Le combat anti-fasciste de l’heure est un combat de classe. C’est pourquoi notre solidarité sans concession, avec les victimes du racisme doit se traduire concrètement sur le terrain. Vouloir une société débarrassée de toutes les formes d’exploitation, implique de penser et de mettre en œuvre les conditions de l’alternative.
En tant qu’internationalistes, nous respectons le droit fondamental des travailleurs à s’organiser librement en fonction de leurs identités culturelles et/ou nationales. Le modèle d’un socialisme dans un seul pays nivelant les expressions culturelles des travailleurs et les droits des nations opprimées a échoué. Les intérêts de classes des travailleurs issus des Etats impérialistes ou des travailleurs issus des nations sans Etat doivent se confondre dans un objectif commun, la défense de la classe, et ce, dans le respect de ses choix démocratiques intermédiaires. Il est de ce fait totalement contre-productif d’opposer la question sociale aux questions démocratiques.
C’est pourquoi nous devons matérialiser une décision prise lors de notre Congrès de novembre 2014, qui consiste à formaliser notre demande de reconnaissance en tant qu’organisation sympathisante de la Quatrième Internationale. La Direction de la Manca doit acter concrètement cette décision par un courrier adressé au Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale au lendemain de cette assemblée générale.