Le collectif de professionnels des établissements de plage, créé de fraîche date, vient d’ajouter au nombre de ses soutiens, des noms qui pèsent. En l’occurrence, il s’agit de représentants de la majorité régionale, issus de Femu a Corsica et de Corsica Libara, accompagnés dans leur démarche d’élus du PS, de macronistes et de la droite.
La présence de ces responsables politiques bien connus, aux côtés d’ardents défenseurs de la privatisation de nos espaces naturels collectifs , traduit une convergence de vues qui s’opère quant au projet de société pour la Corse de demain. L’objectif d’une frange du mouvement national incarnée par ces mêmes représentants est donc de conserver à notre pays sa vocation strictement balnéaire et de confisquer au profit d’une minorité, nos espaces comme nos ressources.
Les tenants de cette position en sont désormais comptables devant tous les Corses qui leur ont accordé leur confiance lors des divers scrutins électoraux.
A la relecture du programme de la Coalition Femu a Corsica/ Corsica Libara pour les régionales de décembre 2017, nous n’avons trouvé aucune trace d’une remise en cause des modalités légales qui encadrent les occupations temporaires des zones littorales. Ce sont tout au contraire, des discours favorables à la protection des espaces mer et montagne, qui ont été prononcés à plusieurs reprises par les dirigeants des composantes de la coalition.
La gravité de ce retournement politique a déjà de lourdes conséquences. La première et non des moindres est une légitimation de la mise en coupe réglée de nos espaces naturels par les industriels du tourisme.
Comment peut-on ainsi se revendiquer du fil historique de la lutte du peuple corse, notamment en matière de préservation de son environnement, en donnant tout à la fois quitus à ceux qui veulent s’accaparer le bien commun ?
La réponse à cette question s’inscrit dans la nature néo- libérale d’un projet favorisant les intérêts exclusifs de la petite bourgeoisie corse, au-delà de l’ambiguïté des discours.
Ce projet mortifère aurait pour désastreuse conséquence de faire de la société corse que nous voulons construire un nouveau « far west », une société du hold up permanent, en un mot une société de non droit où le plus décidé, le plus fort ou audacieux pourrait s’accaparer en toute impunité le bien commun pour en tirer un profit personnel, s’exonérant à l’envi de toute règle au prétexte d’une appartenance au mouvement national.
C’est mal mesurer l’attachement d’une écrasante majorité de Corses à nos espaces mer et montagne. C’est encore plus mal mesurer à quel point le camp de la spéculation est dopé par ces positionnements.
Nous ne doutons absolument pas, que pour une très large majorité de nationalistes, ce dernier positionnement ne passera pas. La lutte d’émancipation n’est pas un prétexte derrière lequel peuvent s’abriter les adversaires du bien commun.
Le néo – libéralisme n’a strictement rien à voir avec un processus de démocratisation et encore moins, avec une libération quelconque.
Nous, militants d’A Manca, parties prenante du mouvement national et partisans du droit à l’auto détermination du peuple corse, voulons, à l’inverse, une société débarrassée de toute forme d’exploitation, où le droit et l’éthique protègent les intérêts du monde du travail, c’est-à-dire de l’écrasante majorité des Corses.
Nous appelons en conséquence toutes celles et ceux qui se refusent à brader les acquis de décennies de lutte, à apporter leur soutien massif aux associations qui oeuvrent, pour leur part, sans relâche, à la préservation de nos espaces naturels.
Eu égard au soutien porté par ces leaders nationalistes au collectif des professionnels du tourisme, il incombe urgemment à la majorité territoriale de clarifier à l’interne ses positions car il paraît évident qu’elle n’a pas été élue pour défendre les seuls intérêts de la puissante minorité économique qui veut se tailler la part du lion dans ce pays. Si elle tardait à le faire, il est à craindre que l’amertume et la désillusion que subiraient les milliers de Corses qui l’ont portée au pouvoir, ne se traduise en désengagement, en désintérêt voire en défiance vis-à-vis de la chose publique et, au-delà du devenir de la Corse.
Le temps des véritables recompositions politiques est venu. C’est désormais sur la base de projets de société clairs et sans ambiguïté que se font les choix , dans les luttes comme dans les urnes.
Cette immanquable recomposition s’inscrit dans la lutte historique du peuple corse à l’exclusion de tout retour en arrière et de tout dévoiement.
A Manca