Le 2 janvier dernier, nous avons communiqué auprès de partis politiques, de syndicats et d’associations, un appel destiné à créer un front large qui se donnerait les moyens de faire entendre la voix de la Corse qui rejette le racisme et les organisations d’extrême droite qui font peser un grave danger sur notre société. Cet appel n’a pas été relayé par la presse locale, mais il a été toutefois directement transmis à toutes les organisations concernées. Sa diffusion sur les réseaux sociaux a reçu de nombreux échos émanant de personnes qui à l’évidence, manifestent leurs inquiétudes face à la montée des courants fascisants. Ces mêmes personnes expriment également le souhait de se joindre à une large mobilisation. Compte tenu de la gravité de la situation, A Manca renouvelle ce jour l’appel du 2 janvier. Cette contribution, a contrario de toute démarche sectaire ou à visée politicienne, doit être comprise comme telle. Les nombreuses prises de position de la majorité des organisations politiques et syndicats en rejet de la xénophobie, prouvent que le danger de fractures graves dans le corps social a bien été pris en compte. Au-delà de réactions ponctuelles, la Corse doit faire voir et entendre dans les mobilisations l’expression d’un peuple, exigeant au regard du respect qui lui est dû et intransigeant au regard du respect dû à toutes celles et ceux qui font notre société.
Face à la gravité des événements qui se sont déroulés le 25 décembre dans le quartier des Jardins de l’Empereur, puis ensuite dans de nombreux quartiers populaires de la ville d’Aiacciu en cette fin d’année 2015, face aux risques que court le maintien de la paix civile en Corse, a Manca lance une fois encore un appel solennel à l’ensemble des forces démocratiques qui vivent dans ce pays.
Nous proposons la tenue dans le courant du mois de janvier d’une réunion ouverte à l’ensemble des acteurs de la vie politique et citoyenne de Corse, acteurs prêts à rechercher ensemble par la réflexion, le débat contradictoire et l’action publique les voies et les moyens d’un engagement sans faille, explicitement antiraciste et antifasciste, afin de faire reculer à court terme puis de nous débarrasser à moyen terme, de la peste xénophobe qui gangrène notre pays, en ce qu’elle met en péril les conditions d’existence du peuple corse, aspirant à vivre et travailler paisiblement sur sa terre.
À l’heure où des élus nationalistes nouvellement aux responsabilités, un grand nombre de structures insulaires politiques, syndicales ou associatives mais également une forte majorité de citoyens corses organisés ou inorganisés ont pris conscience, – après l’avoir parfois voire trop souvent minorée -, de la pernicieuse pénétration d’idées racistes prétendant construire un projet de société, un avenir pour la Corse sur la haine et le rejet de l’autre, particulièrement du maghrébin ou encore du migrant bouc émissaire de toutes les précarités, il est temps de faire converger ces forces de progrès. Elles se doivent d’agir conjointement en défense de la civilisation contre une barbarie polymorphe. Cette barbarie au visage sinistre est rappelons-le, née tout à la fois de l’ignorance, du recul des politiques publiques sociales et éducatives, mais aussi de l’effondrement du niveau général de la conscience collective de ce qu’est le bien commun.
De telles émeutes à caractère raciste ne sont malheureusement pas, il faut bien l’admettre, une dramatique nouveauté. Elles ciblent aujourd’hui les « Arabes », -reprise erronée du terme colonial générique – et Maghrébins, tout à la fois pour des raisons prétendument ethniques ou religieuses, mais aussi et surtout en pseudo réplique au prétendu « choc de civilisation » que des idéologues fascisants ont un temps matérialisé en Afghanistan, en Irak, puis en Syrie. Combien d’entre nous, Italiens ou Sardes d’origine, devenus aujourd’hui Corses après bien des mésaventures subies par leurs aïeux, ont connu le racisme ordinaire ornant les murs des villes et des villages de « lucchesi fora » ou autre « sardacci fora », ont connu les humiliations, les violences verbales ou physiques !
Il s’agit également de faire contrepoint à la propagande éhontée à laquelle se livre l’Etat colonial français au travers de la majeure partie de ses médias, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ont dressé de la Corse, un portrait à charge, portrait au vitriol tissé de préjugés éculés et de généralités clairement xénophobes. Les gouvernants français et leurs relais médiatiques ont en outre explicitement cherché à faire l’amalgame entre l’élection récente d’une partie du mouvement nationale à la CTC et la tentative de pogrom qui s’est déroulée sur Aiacciu. Il s’est agi de déstabiliser un pouvoir local perçu comme une épine dans le flanc de la République Française si prompte à se parer de toutes les vertus.
Ainsi, aux émeutes menées par des milices poreuses à l’idéologie fasciste portée par une recrudescence de groupuscules d’extrême-droite, surfant sur la vague identitaire pour ratisser large, a répondu la xénophobie d’une écrasante majorité de la classe politique hexagonale et des plus hauts représentants de l’Etat français.
Pour sortir de ce schéma délétère, nous devons organiser, au-delà de nos divergences, sans sectarisme aucun ni angélisme ou vision mythifiée de ce que serait l’identité corse ou l’histoire de la Corse, une riposte collective qui soit à la hauteur des enjeux qui se présentent à nous et forger un véritable front commun, un « comité de salut public » contre tous les fascismes.
A Manca
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