Populu corsu : Vince per ùn more ?
Le maintien inacceptable du statut DPS pour Alain Ferrandi et Pierre Alessandri est une décision politique qui s’inscrit en toute logique dans la volonté de Macron d’achever le processus d’intégration coloniale de la Corse.
La question corse et le chantage exercé sur les prisonniers politiques a toujours relevé d’une gestion politique. La seule différence, avec un gouvernement aussi déterminé à nous réduire au silence, que celui de Macron, est que cela est exprimé clairement et sans ambiguïté. Cette toute-puissance qui remet en cause ouvertement la séparation des pouvoirs en France n’est possible que parce que le gouvernement connaît dans le moindre détail la nature du rapport de force politique en Corse.
Exit le peuple insoumis et fier de sa culture agro-pastorale, acteur de son histoire, profondément attaché à la défense de sa terre. La standardisation culturelle a opéré. Une masse de consommateurs se presse dans les temples du commerce et ne se projette plus que dans le cadre du confort illusoire d’un individualisme petit-bourgeois. Un individualisme qui trouve un prolongement naturel sur les réseaux sociaux où l’agora réelle et les combats sur le terrain sont souvent remplacés par quelques commentaires et autres likes qui ne mangent pas de pain. Et là où le rapport de force populaire était plus que jamais nécessaire face au disciple de Jean Pierre Chevènement sur le dossier corse, les dirigeants nationalistes au pouvoir ont dilué la lutte, jusqu’à la fondre totalement dans les institutions françaises, ce qui s’est traduit par une castration violente de la lutte contemporaine du peuple corse pour ses droits.
Là où des luttes de masse légitimes, de vastes campagnes de désobéissance civiles et autres formes de mobilisations étaient vitales pour accompagner le rapport de force institutionnel, on a préféré faire le choix de laisser prospérer le néo-libéralisme en Corse au plus grand satisfecit de Macron. Faute d’opposition réelle à ce système, le bilan s’avère dévastateur. En quelques années, deux cents promoteurs plus ou moins puissants ont fait davantage pour l’asservissement de la Corse que deux cents ans de répression. Trente grands patrons insulaires se sont montrés bien plus efficaces que trente escadrons de gardes mobiles.
Ce capitalisme de prédation a déstructuré notre terre en la vendant aux plus offrants, démantelé le lien social en créant de vastes colonies résidentielles et quartiers sans âmes, imposé sa mainmise sur l’emploi privé, l’alimentation, le logement, l’habillement, l’essence et tant d’autres secteurs vitaux. Cette privatisation des conditions de vie du peuple corse l’a grandement précarisé et exposé encore davantage aux conséquences sociales et économiques de la crise sanitaire actuelle. Cette atomisation du monde du travail est aussi un facteur d’amoindrissement de notre capacité à résister collectivement. Et que dire des conditions d’accès à la culture et à l’éducation, sources nécessaires d’aspiration à la désaliénation, qui n’ont jamais été aussi difficiles pour les classes populaires.
Mais, malgré ce contexte très délétère, les ferments de la survie du peuple corse demeurent. Ici et là, quelques poignées d’indigènes n’ont toujours pas capitulé et sont disposés à reprendre le chemin des luttes. Des hommes et des femmes de ce pays accordent encore le l’importance aux notions de dignité, d’éthique, de conscience. Il n’est jamais trop tard pour se battre pour la liberté et l’émancipation. Les femmes corses l’ont d’ailleurs récemment démontré dans le cadre de mobilisations féministes très suivies dans l’île.
Tant sur la question des prisonniers politiques que des droits, on ne peut combattre les injustices sans remettre en cause le système qui produit ces injustices. La manifestation brutale de l’impérialisme en Corse n’est rien d’autre qu’un avatar du capitalisme.
A Manca prendra sa part dans les mobilisations réelles face aux injustices, mais il est de notre devoir d’opérer ces mises en garde. Sans opposition collective, le capitalisme marchand, qu’il soit corse, français, européen ou global, démantèlera et vendra définitivement la Corse et son peuple sur le marché.
Vince u Capitalisimu per ùn more.
A Manca.