Après 31 années faites d’évasion, de cavales et de séjours légaux et illégaux dans plusieurs pays (France, Mexique, Nicaragua et Brésil) Cesare Battisti a été livré par les autorités boliviennes à la justice brésilienne. Son extradition faisait partie des points du programme de Bolsonaro, le nouveau président d’extrême droite de ce pays.
Son interpellation est surprenante et la collaboration des autorités boliviennes l’est tout autant sous le gouvernement Morales, que l’on qualifie comme étant l’un des plus progressistes d’Amérique Latine. Lors de l’investiture de Bolsonaro le 1er janvier dernier, le président Morales avait déjà donné des signaux très inquiétants, y compris pour la gauche brésilienne, en déclarant : «Nous accompagnons dans son investiture notre frère le président Jair Bolsonaro, avec la conviction que les relations entre la Bolivie et le Brésil ont des racines profondes de fraternité et de complémentarité entre nos deux peuples. Nous sommes des partenaires stratégiques qui regardent le même horizon de la Grande Patrie». Dès lors on comprend mieux l’attitude actuelle de la Bolivie.
Cesare Battisti est un ex-membre des Prolétaires Armés pour le Communisme (PAC) qui a été condamné par contumace en 1988 à la réclusion à perpétuité. Les chefs d’accusation prononcés par la justice italienne à son encontre concernent quatre meurtres commis par les PAC. Selon les enquêteurs et les magistrats Cesare Battisti aurait été directement impliqué dans les meurtres d’un gardien de prison et d’un policier et pour complicité dans deux autres actions du même ordre. Bien que niant son implication dans ces faits, il a déclaré assumer politiquement son passé.
Ce passé est celui de toute une partie d’une génération qui s’est engagée alors dans la lutte armée. Sur la pertinence des stratégies et analyses développées alors par la gauche révolutionnaire en Italie, le débat n’est pas clos. Les décennies concernées ont vu aussi les attentats perpétrés par les organisations fascistes (Gare de Bologne notamment) et les meurtres commis par les mêmes sur les personnes de militants de la gauche radicale. Très active dans ce pays pour cause de guerre froide, la CIA a joué un rôle central dans les événements d’alors. La lumière n’a toujours pas été faite sur cette opération « Gladio » qui prévoyait un coup d’état en Italie avec l’instauration d’un pouvoir hyper autoritaire. La justice italienne s’est donc montrée particulièrement sélective et les dossiers à charge n’ont concerné quasi exclusivement que la gauche révolutionnaire.
Si une page devait être tournée encore aurait-il fallu que tous les aspects et tous les protagonistes de cette période soient examinés et entendus. Il n’aurait pas été inintéressant d’examiner ce que fut la Démocratie Chrétienne qui gouverna pendant des décennies, et en particulier de ses liens avec la Mafia et de la loge P2. Le fameux compromis dit «historique» passé entre le Parti Communiste Italien et cette Démocratie Chrétienne a été lourd de conséquences. Ce point mérite également d’être versé au dossier.
Mais de tout cela Salvini et ses complices du Mouvement Cinq Étoiles s’en moquent. Comme Bolsonaro ils ont déclaré la guerre à la gauche réelle, aux femmes, aux homosexuel-les et à toutes les minorités jugées par eux encombrantes ou déviantes. C’est dans ce contexte qu’intervient l’arrestation de Cesare Battisti. Il est clair que les fascistes, dont le programme politique n’en est qu’à son début ,veulent étouffer par anticipation toutes les formes de contestation. Pour eux comme pour nombre de leurs homologues cette extradition est un test. Si ils parviennent à leurs fins sans que cela ne génère un vaste mouvement de contestation, alors ils pourraient passer à la vitesse supérieure dans la marche vers des pouvoirs sans opposition.
A Manca invite donc toutes et celles et ceux conscients des enjeux à manifester leur refus de cette opération de basse justice. Car Cesare Battisti est le premier sur une liste qui ne fait que commencer.
A Manca