L’agitation qui caractérise le climat qui règne entre les diverses formations de l’actuelle majorité régionale ne peut en aucun cas se résumer à de simples problèmes d’ego. Croire ou faire semblant de croire que seul cet élément prédominerait a comme fonction et résultat de détourner l’attention des véritables manœuvres en cours.
Les premiers éléments du scénario sont pourtant limpides. La multiplication de candidatures annoncées par des personnalités de sensibilité nationaliste dans deux des principales cités de la Corse en est la première manifestation.
Il est totalement invraisemblable que le mouvement Femu a Corsica et son leader découvrent dans la presse ces candidatures. Ces dernières s’inscrivent dans une stratégie qui passe par le temps des municipales, mais qui vise, au delà, les échéances électorales de 2021, donc les futures territoriales.
La stratégie de Femu a Corsica consiste à amener ses partenaires de coalition à des primaires. En fonction des résultats alors obtenus, il s’agit en effet, soit de renouveler un contrat de gestion en 2021, soit- hypothèse à ne pas exclure-, de créer les conditions de l’instauration d’une nouvelle majorité. Femu a Corsica s’emploie donc clairement à laisser les anciennes zones d’influence de feu le clan giacobbiste, aux mains des maires issus de ce réseau. Le retour de « bonne conduite » pourra alors se matérialiser par un renvoi d’ascenseur lors des régionales de 2021.
Il n’est pas à exclure que des fractions de la droite ne bénéficient pas d’un égal traitement (comme c’est le cas à la mairie de Bastia). Mais une autre composante peut être invitée à ce banquet électoral. En l’espèce, il s’agit de la sphère macroniste locale, qui compense sa faiblesse d’implantation par son étroite proximité avec l’actuelle présidence de la République française.
Et c’est à partir de ces divers éléments que peuvent se dessiner les contours d’une troisième voie partiellement incarnée par Femu a Corsica, des rescapés de la droite et des Macronistes.
Face à cela, on comprend aisément que le PNC et Corsica Libera unissent leur énergie afin de contrer cette stratégie qui vise objectivement à les placer à la remorque de Femu a Corsica.
De manière incantatoire, le PNC et Corsica Libera en appellent à l’union et se bornent à critiquer les prétendus silences de Femu a Corsica. Or, au moment où se dessine une volonté de liquidation des acquis de la Lutte de Libération Nationale et que notre société s’insère plus avant dans le magma néo libéral, ce sont de simples et pathétiques appels à l’union qui se font entendre.
Pour tenter d’exister face à la machine qui s’est mise en branle, sont opportunément réactivées des thématiques telle que le fumeux statut de résident. Ainsi, Corsica Libera lance un avertissement aux investisseurs étrangers, aux professionnels de l’immobilier ainsi qu’aux notaires afin que tous sachent que ces contrats de vente et d’acquisition pourraient être un jour invalidés.
C’est là faire bien peu de cas d’un premier élément : les ventes et acquisitions s’inscrivent dans le cadre de l’économie de marché, donc dans le processus d’offre et de demande qui la caractérise. Ce processus, rappelons-le, se définit par une spéculation de tous les instants.
Il ne peut échapper à personne que le néo-libéralisme est un système. Soit, on le refuse en le combattant sans concession, soit on l’accepte tel qu’il est. Il n’y a pas de place pour une régulation qui ne ferait de toutes les façons que faire reculer temporairement les échéances. Mais dans son raisonnement, Corsica Libera semble ignorer que les acquéreurs potentiels ne peuvent se positionner qu’à la condition qu’il existe préalablement une offre. Il va sans dire que cette offre ne doit rien dans sa globalité à des acteurs extérieurs.
C’est bien au sein de la société corse que d’aucuns mythifient que le libéralisme et son corollaire, la société de consommation, sont opérants, que ce soit d’un point de vue idéologique et plus concrètement, d’un point de vue pratique.
Des fractions sociales de notre pays sont d’ailleurs totalement acquises à ce système. C’est très précisément là que se situent aussi les enjeux.
L’alternative ne saurait être un bricolage du système mais a contrario, devrait se matérialiser sous la forme d’un projet de société réellement alternatif.
Or, aucune des formation de l’actuelle majorité régionale ne penche en ce sens. Elles en ont eu la possibilité après les votes de 2017. Elles s’y sont refusées.
La troisième voie qui ressurgit, s’avère clairement d’inspiration néo libérale et tourne nettement le dos au projet d’émancipation porté par les luttes. Cela ne peut que satisfaire les intérêts des classes les plus aisées, celles qui par ailleurs sont loin de trouver que la politique de Macron leur soit préjudiciable.
La lutte des classes est loin d’être terminée, la lutte d’émancipation ne l’est pas moins. Elles sont indissociables.
A MANCA