La mobilisation récente de Santa Riparata di Balagna a eu le mérite de poser dans le débat des questions de fond relatives aux moyens de lutte contre la spéculation immobilière.
De ce point de vue, nous ne pouvons que saluer l’initiative de Corsica Libera. La position d’A Manca étant connue et très tranchée sur la question de la spéculation immobilière, nous voulions surtout pour notre part entendre les positions s’exprimer.La polémique suscitée par la façon dont le journal Corse Matin a rendu compte de cette mobilisation nous donne l’occasion de repréciser notre pensée.
La spéculation immobilière demeure une arme de destruction massive contre les forces vives de notre peuple. Elle permet de creuser les inégalités en terme de richesse, de participer au blanchiment de l’argent de la drogue, et de tous les trafics mafieux et elle exclut les jeunes de l’accès au logement et au foncier.La question d’une opposition résolue à des moyens de prédation capitalistes n’est pas discutable et devrait fédérer tous les Corses attachés à la défense de nos intérêts collectifs.
Puisqu’exit la résistance armée, se pose en conséquence la question de la mise en œuvre de moyens de lutte à la fois publics et démocratiques. Sur ce point, les options divergent entre mise en œuvre d’un cadre protectionniste insulaire, simple application des codes et lois d’urbanisme et mobilisation politique de masse. Il est donc important d’analyser sereinement ces options et de travailler à des convergences de luttes sur le terrain.
En ce qui concerne le protectionnisme, on peut admettre qu’il puisse engendrer quelques effets bénéfiques dans le cadre d’une régulation à court terme du marché de l’immobilier. Mais déconnectée d’une remise en cause des lois du marché capitalistes, la pertinence des outils trouve rapidement ses limites. Pour autant, dans ce cadre, il ne s’agit pas de balayer d’un revers de main, la mesure de « Statut de résident » votée par l’Assemblée de Corse à l’initiative des directions nationalistes.
Il s’agit ici, dans un état d’esprit constructif, d’en souligner les carences et de voir comment rendre ce dispositif plus performant.
En tant que tel et pris isolément, le statut de résident dans sa forme actuelle ne s’oppose pas à la libre circulation des capitaux et des personnes mais entend limiter l’accès à la propriété des biens sur des critères de résidences temporaires (système de probation). De ce point de vue, il ne saurait véritablement poser de problèmes à l’Europe libérale. Ce qui est problématique, c’est que dans le cadre de la prédation spéculative, il n’y a pas de limites à l’investissement, y compris en terme de pots de vin et d’aimables pressions. En d’autres termes, comme ce fut déjà le cas à l’époque de Paoli, des Corses, par indignité, calcul à court terme ou simplement par peur, peuvent se laisser corrompre par l’argent et servir de prête-noms à des opérations purement spéculatives.
Du coup, rien ne serait réglé sur le fond et ce, d’autant plus, que les opérations spéculatives, sont très souvent projetées sur le long terme. Si l’on veut que le statut de résident soit efficace, il doit obligatoirement être accompagné d’un code des investissements encadrant les prix, l’origine des flux financiers et la nature des opérations immobilières. Ce choix se heurte frontalement aux fondements mêmes de la constitution libérale de l’Europe. Il s’agit donc d’un choix politique, correspondant à un projet d société.
D’autres pensent que l’existence de cadres juridiques (PADDUC, PLU, SCOT…) suffit à la protection de la terre. Pourtant, nous avons déjà constaté à maintes reprises que les cadres les plus symboliques comme la loi Littoral se voient très facilement contournés sur le terrain. C’est ainsi que des milliers d’hectares ont été urbanisés en toute illégalité en Corse.
Fait autrement plus grave, comme l’a justement souligné Corsica Libera dans les débats, un dispositif de la loi Macron, permet d’empêcher la destruction de constructions illégales dès lors qu’une autorisation administrative quelconque est délivrée, fusse-t-elle attentatoire aux lois et cadres réglementaires. Cette disposition, si elle n’était pas abrogée pour la Corse, pourrait encourager la bétonisation, déjà frénétique, de notre pays.
La loi seule ne suffit donc pas. Elle doit nécessairement être accompagnée d’un rapport de force politique équilibré. Ainsi, les débats institutionnels ne peuvent être antinomiques de la lutte de masse. Il en va de l’avenir du peuple corse et de la cohérence du mouvement national qui doit réactiver la lutte de masse contre la spéculation immobilière.
Cette clarification a le mérite de redynamiser l’action politique et d’affirmer qu’une autre Corse est possible, loin de la marchandisation des Hommes et de la Terre. Dans ce cadre, loin de tout sectarisme, nous, militants d’A Manca, répondront favorablement aux convergences, sur le terrain.
A Manca