C’est une certitude, un des moyens de lutte pour contrer la spéculation foncière, consiste à maintenir et favoriser les activités agro-pastorales sur les lieux convoités par des « investisseurs ».
Ces derniers, qui n’hésitent pas à se draper dans les atours du nationalisme, considèrent les espaces naturels, littoral et montagne, comme des produits à forte valeur ajoutée potentielle
Ce sont très précisément ces visions prédatrices qui se trouvent à l’origine des tensions qui perdurent au sujet de l’accès à la Scalella.
Deux approches diamétralement opposées concernent les lieux. La première, celle des bergers, s’inscrit dans la continuité de l’usage de l’estive, activité séculaire que nul n’ignore.
La seconde approche est bien dans l’air du temps. Le projet s’articule entre des exploitations du domaine foncier et la du bâti ancien. L’une en tant que parcours de chasse privé et l’autre en tant que lieu d’accueil d’une clientèle fortunée gourmande d’hébergements qui sortent de l’ordinaire touristique. Le domaine de Murtoli a sans nul doute donné des idées à plus d’un.
La convoitise, en tant que réelle motivation, ne s’embarrasse pas dès lors du moindre scrupule.
Et l’on voit bien à cette occasion, hélas parmi tant d’autres, que deux conceptions de la Corse se heurtent frontalement.
L’une, propre aux petites et moyennes bourgeoisie, considère les choses uniquement en termes de plus-values et dissimule à peine ses véritables intentions sous le couvert d’un discours se voulant identitaire.
L’autre , radicalement à l’opposé, conçoit la Corse comme un lieu de vie où l’individu et le collectif sont en volonté et en capacité d’interagir pour le Bien Commun.
Très précisément, ce sont ainsi deux contours de projets de société pour le moins différents qui se dessinent.
Agissant comme un formidables révélateur, l’affaire dite de la Scalella illustre (comme d’autres exemples) les contradictions en œuvre au sein du mouvement national.
Les formations de l’actuelle majorité régionale s’en trouvent plus qu’embarrassées. Faute d’avoir levé le voile sur le projet de société qui devrait guider leurs actions, elles tentent de donner dans la formule quelque peu macroniste du « en même temps ». Mais, le volcan qui gronde sous leurs bancs, va immanquablement bousculer leurs atermoiements. D’une part, parce que l’avidité des spéculateurs ne se contentera pas de demi-mesures, quitte à faire usage de forts moyens de pressions et de l’autre, parce que nombreux sont celles et ceux qui prennent conscience des enjeux et ne sont absolument pas disposés à se voir confisquer leurs lieux naturels de vie. Pour la majorité régionale, l’heure des choix décisifs sonne donc au carillon politique.
Aux temps où il se débattait d’une Voie corse au socialisme, dans le cadre de la Lutte de Libération Nationale, ces contradictions avaient déjà été traitées par l’analyse. L’histoire a provisoirement tranché, puisque ce sont les courants droitiers qui se sont emparés des manettes.
Et il y a fort à parier que ces strates tentent une fois encore de se légitimer en donnant dans un interclassisme dont on sait qu’il ne profite jamais aux classes populaires.
A Scalella, Scandola et Murtoli matérialisent ces contradictions qui doivent trouver un débouché.
Peut advenir alors, en fonction des rapports de force politique, soit la liquidation des fondamentaux de la Lutte de Libération Nationale, soit la réactualisation d’un projet politique réellement émancipateur fondé sur le socle de la justice sociale et du droit à l’autodétermination.
A MANCA.