Les cantonales ont déclenché une vague d’agitations médiatiques, ce qui est un phénomène assez disproportionné au regard des enjeux sociaux, culturels et politiques. Encore faut-il pour adopter cette grille de lecture, se situer fermement dans la perspective d’une réelle solution politique. Solution politique qui ne peut en aucun cas faire l’impasse sur une revendication fondamentale du peuple Corse : celle de la reconnaissance du droit à l’autodétermination pour et par les droits et les moyens que ce dernier jugera légitimes.
Cela reste notre ligne et c’est bien là ce qui nous distingue tous les jours un peu plus de courants idéologiques qui pensent avoir le vent en poupe.
Ainsi, la victoire de Purti Vechju est à considérer pour ce qu’elle est : l’aboutissement provisoire d’une stratégie basée sur un ni-ni des plus opportunistes. Ni de droite, ni de gauche. Nationalistes modérés au point d’en être modérément nationalistes, Jean-Christophe Angelini et son association, Purti Vechju Altrimenti ont ratissé très large. De l’électorat traditionnel de droite aux socialistes locaux. Ils ont bénéficié de plus du report des voix de Corsica Libera. Encore que pour ces derniers, il s’agissait plus de virer l’ami de Sarkozy et Clavier que de donner quitus à la ligne politique du Partitu di a Nazione Corsa et à la Chjama Naziunale. Le bastion est donc tombé. Pour autant la cité dite du sel, ne s’est pas livrée corps et âme à des insurgés. Les électeurs ont fait le choix d’un candidat jeune et suffisamment consensuel pour ne pas effrayer ainsi les commerçants et autres entrepreneurs. Le sortant manquait certes de charisme, mais il avait également un gros défaut. Il incarnait le conservatisme tribal d’une fraction de la droite locale, qui plus que de se lancer dans de nouvelles aventures économiques, entendait simplement gérer le patrimoine et engranger tranquillement les profits.
A l’inverse, le nouvel élu et ses soutiens font résolument dans un prétendu modernisme. L’économie identitaire en bandoulière, ils s’apprêtent à intégrer les enjeux locaux dans le grand mouvement libéral qui agite le monde économique. Un vieil adage populaire dit « que c’est à la fin du bal que l’on paye les musiciens ». Avec un peu de patience, nous verrons bien qui tirera les bénéfices des changements. Ce dont nous sommes sûrs et certains, c’est qu’il s’agit de tout sauf d’une amorce de rupture avec le capitalisme. Pas plus qu’il n’est question de rompre avec la domination coloniale. Les gagnants n’en n’ont jamais parlé et leur électorat de base non plus.
Alors pourquoi toute cette agitation médiatique ? Il est fort probable que des réseaux d’influence jouent là, comme dans d’autres domaines, de leur capacité à marteler une propagande qui ne dit évidemment pas son nom. Cette structure n’a -t-elle pas d’ailleurs revendiqué haut et fort, à de multiples reprises sa volonté de rompre avec la logique d’une organisation de militants pour lui préférer la mise en œuvre d’un parti d’adhérents constitués en réseaux divers et variés ? Nous ne faisons à cet égard aucun procès d’intention. Nous constatons des faits, précis, répétitifs et constants. Il suffit de lire le quotidien « La Corse-Nice Matin » et son supplément hebdomadaire pour se rendre compte de la place faite au courant dit du nationalisme modéré. Ce n’est pas encore « La Pravda » de l’époque du petit père des peuples. C’est de la communication digne de l’organe d’un parti pris : celui de la Troisième Voie.
Voie recherchée depuis des lustres par tous les réformistes régionalistes qui se sont succédés, des historiques de l’ARC aux modérés plus contemporains. L’heure est donc au cynisme de l’auberge espagnole : il s’agit de vendre au peuple une vague solution sur fond d’autonomie interne. Il n’y a pas lieu, non plus de s’inquiéter du côté de l’Etat. Les classes laborieuses en revanche n’ont rien à attendre de ce fatras idéologique. Le Tout Tourisme s’impose déjà comme un horizon indépassable pour les « décideurs » de la Troisième Voie qui n’est en définitive qu’une vaste escroquerie politique. Méli-mélo où l’expression d’un humanisme bêlant sert de cache sexe à des libéraux badigeonnés aux couleurs du capitalisme.
En termes de premier enseignement, nous pouvons en déduire que le Mouvement National sort peu à peu du brouillard savamment entretenu par les régionalistes. Dans le même temps, des patriotes de gauche viennent de fonder leur propre mouvement.
Scelta Para, c’est son nom, s’affirme comme une organisation patriotique de gauche, clairement indépendantiste et socialiste. Puisque la question nous est régulièrement posée concernant nos liens avec celle-ci ou nos différences, il nous appartient de donner notre avis. En tout premier lieu, c’est une très bonne chose à chaque fois que des patriotes et en particulier ceux de gauche, s’organisent et se donnent les moyens politiques afin de contribuer à l’émancipation de la Nation. C’est à ce titre que nous saluons fraternellement les fondateurs et l’ensemble des militants de Scelta Para. D’autant que nous en connaissons parmi eux qui sont, depuis les origines, actifs au sein du Mouvement National, co-fondateurs de notre mouvement ou issus d’autres structures patriotiques. Nos routes se sont déjà croisées, elles se croiseront encore.
Ce dont nous sommes certains, c’est que chaque fois qu’il sera nécessaire de travailler, de se mobiliser et de débattre avec ces militants, nous répondrons présents. D’autant que nous sommes sûrs qu’ils sont animés par la volonté d’élargir la sphère d’influence du camp patriotique de gauche. A la question pourquoi A Manca et Scelta Para ne constituent-ils pas un seul mouvement (question de plusieurs militants ou sympathisants de la gauche nationale), nous répondons que notre mouvement existe depuis plus de dix années et que ses statuts permettent la présence en son sein de toutes les tendances patriotiques de gauche. Il est donc clair que les fondateurs de Scelta Para ont souhaité créer leur propre espace à partir de constats multiples. Ceux qui concernent des aspects théoriques sont connus. Des éléments d’aspects organisationnels existent également. Leur positionnement par rapport à notre organisation n’a pas encore été rendu public. Cela ne saurait tarder. Gageons que des différences sensibles peuvent s’exprimer. S’il faut en débattre publiquement nous y sommes tout à fait prêts.
Mais que l’on ne compte pas sur nous, que ce soit du côté du pouvoir colonial ou de la part de la droite nationaliste, pour tenter de minimiser l’importance d’un autre mouvement patriotique de gauche.
C’est ainsi que va la vie de la Nation, à l’autre bout du champ patriotique, certains s’en vont, au pas du renoncement, vers d’autres horizons. Galvanisés par un demi-succès lors des élections régionales de 2010, littéralement euphoriques après l’élection cantonale de Porti-vecchju, les tenants du PNC et de la Chjama Naziunale font leur coming-out. Enfin débarrassé d’une sorte de complexe des origines (celles du Mouvement National) le courant dit modéré peut s’adonner à ses penchants régionalistes et libéraux, loin de toute ambigüité longtemps cultivée. Par ailleurs, des patriotes de gauche s’organisent. D’autres mouvements comme Corsica Libera sont eux aussi traversés par des contradictions.
Le brouillard idéologique se dissipe et c’est tant mieux, il en va de la survie de notre pays.
Vandepoorte Serge. Militant Manca. Mai 2011.