L’appel lancé à la mobilisation populaire par Edmond Simeoni en vue de la commémoration d’Aleria le 22 Août prochain, s’inscrit dans un temps où le gouvernement a opposé une fin de non recevoir aux revendications exprimées par une majorité d’élus de la CTC.
C’est donc à la construction d’un rapport de force en vue d’un soutien aux élus à laquelle le peuple est convié. Entre autres arguments, un parallèle a été fait entre la situation actuelle et celle de l’été 1975.
Sur ce premier point, nous nous accordons à admettre que l’analogie entre ces deux périodes peut se réduire à la permanence de la nature politique des rapports entre l’Etat français et la Corse. Les quelques toilettages institutionnels intervenus depuis 1982 n’ont rien modifié fondamentalement à cette réalité. Nous en voulons pour preuve la question du montant des budgets dont l’attribution est demeurée du seul apanage des gouvernements successifs. La forme même du dialogue entre l’Etat et l’Assemblée de Corse est sur-déterminée par les limites permanentes du champ des prérogatives que ce même Etat impose à l’institution régionale. Tout autre rapprochement possible entre les contextes actuels et ceux de 1975 ne saurait résister à l’analyse des conditions politiques, économiques, sociales et culturelles spécifiques à chaque période.
On peut encore s’interroger sur le ou les destinataires de cet appel.
Il nous paraît évident qu’en premier lieu, l’organisation de ce rassemblement est une adresse faite à l’Etat. S’agirait-il de lui faire entendre que l’histoire peut se répéter et que les armes sitôt déposées peuvent-être reprises ? À qui fera-t-on croire cela à l’heure où les troupes manquent cruellement à l’appel et où la dépolitisation de masse, dans les structures publiques mêmes, se fait jour ? Cette adresse est à nos yeux une posture immorale qui consiste à la fois à opter pour l’exclusive du jeu institutionnel et électoral en allant jusqu’à négocier avec l’Etat et le gouvernement tout en gardant avec duplicité le fer au feu de la menace d’un retour hypothétique à l’option clandestine et à l’usage de la violence. Usage de la violence qu’ils n’ont de cesse, au demeurant, de condamner en contribuant d’ailleurs grandement à la confusion entre clandestinité et violence politique.
L’appel au rassemblement prétend aussi s’adresser au peuple. Au nom de quel projet, quel choix de société appelle-t-on à ce rassemblement ? La dissimulation sur ce point est totale : on baigne dans le tout commémoratif et le politiquement correct. L’horizon indépassable que se donnent les élus nationalistes à la CTC se limite désormais à la seule lutte institutionnelle. Les mobilisations souhaitées par ces derniers dans lesquelles s’inscrit l’appel au soutien populaire se résument strictement à la promotion de telles démarches.
Il n’est donc pas question de favoriser, d’engendrer ou de simplement admettre une activité indépendante du peuple, en particulier sur les questions sociales. Celles-ci sont totalement absentes du processus entamé depuis ces derniers mois.
Le projet de société ignore donc purement et simplement la question sociale, à l’heure où la précarité de masse, le chômage et la saisonnalité, corollaire du tout-tourisme, frappent la Corse, à l’heure où le service public socialement utile fait l’objet de coupes claires. En occultant cette question sociale pour ne mettre en avant que des objectifs d’avancées institutionnelles au bénéfice de la classe possédante insulaire, les organisateurs de ce rassemblement sacrifient sciemment la majorité du peuple corse à leurs intérêts catégoriels objectifs. Qui peut être dupe de cette manipulation de la bourgeoisie régionaliste corse qui, consciente de ses échecs répétés et du « niet » qui lui a été opposé, fait feu de tout bois jusqu’à la palinodie ?
Pour notre part, la question nationale et la question sociale, par leurs contenus démocratiques et émancipateurs restent le fondement du projet de société que nous portons. Il s’agit là de la seule alternative au modèle de société qui nous annihile.
A Manca