Relents de franquisme à Madrid.
Le dimanche 1er octobre 2017 a vu tomber le masque de la droite espagnole. Malgré un quadrillage policier, qui n’est pas sans rappeler les heures sombres du franquisme, le peuple catalan s’est massivement mobilisé.
Il faut retenir de cet événement que la « raison d’Etat » a foulé aux pieds cette démocratie qu’elle prétend pourtant incarner et garantir.
Ce n’est pas la première fois dans l’histoire qu’un déni de cet ordre est perpétré. Mais cette agression s’est déroulée au cœur de cette Europe qui s’auto-proclame la championne des droits de l’Homme.
Le gouvernement de Madrid, soutenu par Macron, a rejoint à cette occasion les gouvernements d’Ankara, de Bagdad et de Téhéran qui se refusent pour leur part, à reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple kurde.
En agissant de la sorte, le pouvoir espagnol a également tenté d’étouffer les débats. Il a reçu l’appui dans ses « œuvres » d’une commission et d’un parlement européens qui se sont abrités derrière un article de la Constitution.
Qu’en est-il du droit à l’autodétermination en Europe et dans le monde ?
Du point de vue du droit international, il existe une base juridique pour reconnaître ce droit fondamental notamment à travers certaines résolutions de l’ONU :
- La résolution 1541 (XV) du 15 décembre 1960
- Pacte sur les droits civils et politiques du 16 décembre 1966
- La résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970
On peut également citer l’article I.2 de la « Déclaration et du Programme d’action du congrès de Vienne » sur les droits de l’Homme, adoptés en 1993, qui précise que : « Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel. »
Le droit d’exercer librement sa souveraineté est donc reconnu à tout peuple constitué. Ce droit à l’autodétermination s’oppose frontalement au principe d’intégrité territoriale des Etats constitués. C’est précisément en raison de cette opposition paradoxale que les notions de peuple et de reconnaissance du droit à l’autodétermination font l’objet depuis plus de cinquante ans de résolutions de l’ONU et d’arrêts de la Cour de justice Internationale. Ces résolutions et ces arrêts sont dans les faits contradictoires. Chaque situation est donc étudiée au cas par cas.
Le 22 juillet 2010, la Cour Internationale de Justice a rendu un arrêt estimant que la déclaration d’indépendance du Kosovo ne violait pas le droit international. Certes, mais de nombreux Etats constitués, y compris en Europe, ne reconnaissent pas le statut de nation indépendante au Kosovo. Ce pays demeure concrètement dans une situation juridique ambiguë au niveau international, même si son peuple est désormais souverain.
Certaines directions des mouvements d’autodétermination en Europe (Ecosse, Catalogne et Corse notamment) vont un peu vite en besogne quand elles prétendent que l’Europe permet de dépasser la tutelle des Etats constitués pour faire reconnaître le droit à l’autodétermination.
Rappelons-le, la Constitution libérale européenne de 2005 revêt un caractère anti-démocratique. Elle a été adoptée sans tenir compte du rejet exprimé par trois peuples, dont le peuple français. Le contenu idéologique de la Constitution libérale européenne est très clair concernant le droit des peuples et des Etats. L’article I-5 « Relations entre l’Union et les États Membres » précise : « L’Union respecte l’égalité des États membres devant la Constitution ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. »
C’est précisément sur les notions d’identité nationale et d’intégrité territoriale que s’appuient les Etats constitués pour maintenir des peuples dominés sous leur tutelle. Cet article représente une régression historique majeure par rapport aux principes de droit internationaux. La seule interprétation qui vaille est que les Etats membres de l’Union européenne peuvent accorder des autonomies régionales s’ils le souhaitent. Le moins que l’on puisse dire est que cela s’avère très éloigné du droit à l’autodétermination.
Dans ce cadre, la Cour de Justice de l’UE peut s’appuyer sur le droit international pour reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple Sarahoui (Arrêt de décembre 2016), mais certainement pas pour une minorité nationale présente sur le territoire d’un état membre de l’UE, car ce serait une violation de la Constitution européenne.
La France illustre parfaitement cette politique à géométrie variable concernant le droit des peuples à l’autodétermination. Si, en 1991, elle a nié par voie constitutionnelle l’existence du peuple corse, elle a, a contrario, reconnu l’existence du peuple kosovar en 2008.
Les Etats européens défendent avant toute chose leurs intérêts.
C’est exactement ce qu’a fait Madrid en Catalogne. Rajoy ne s’est pas seulement appuyé sur la Constitution espagnole pour envoyer la guarda civil contre le peuple catalan, mais aussi sur la Constitution européenne, ne l’oublions pas.
La liberté n’est pas négociable.
C’est en la matière une leçon que doivent méditer, les nationalistes, qui en Corse comme en Ecosse, ont investi leurs espoirs en cette Europe qu’ils présentent abusivement comme un espace plus démocratique que ceux des Etats auxquels ils s’opposent. Il en va d’ailleurs de même pour la majorité en place au niveau du gouvernement catalan, laquelle à l’instar de ces derniers, s’est grandement fourvoyée en suivant un raisonnement qui n’a pas résisté à la réalité. Ce sont bel et bien les Etats et toujours eux qui restent les maîtres des politiques et exercent ainsi ce qu’ils estiment demeurer leurs droits régaliens.
À noter que le PNV, parti de la bourgeoisie d’Euskadi, permet, par sa présence dans la coalition gouvernementale de l’Etat espagnol, à la droite castillane de disposer d’une majorité.
L’heure n’est sûrement pas à discuter du droit à l’autodétermination du peuple catalan, pas plus pour lui que pour tous les peuples encore sous domination impérialiste. Cette revendication relève du champ des droits démocratiques et ne peut aboutir que par l’intervention décisive des classes populaires, comme se propose de le faire la gauche catalane.
A la violence de l’appareil d’Etat espagnol, que cautionnent la majorité des gouvernements européens, il faut opposer l’unité sans faille du monde du travail.
A MANCA