L’affaire de la mise en liquidation judiciaire de la société propriétaire du domaine de Casabianca soulève de multiples questions.
Sur le fond il s’agit de la problématique récurrente du devenir des terres à vocation agricole et dans le même temps celle d’une production agricole en phase avec les besoins réels des consommateurs. A ces questions s’ajoutent celles du mode production et du profil des producteurs. La question de la terre se trouve donc au cœur du projet de société que nous voulons construire
Le contexte global d’un monde agricole globalisé.
Le boom de la construction de résidences secondaires est précédé par la vente de milliers d’hectares de terres parmi lesquelles celles originellement destinées à l’agriculture et l’élevage. Cette spéculation est le fait de ceux qui vendent le foncier aux plus offrants, des tenants de l’industrie du bâtiment, des banques et de l’ensemble des organismes de financements, et de ceux qui se portent propriétaires.
Au delà des points de vue moralistes, régulièrement avancés, cette prédation est permise par l’accélération de l’intégration de notre société dans le cadre de l’économie de marché. Dès lors, c’est la seule « loi » du profit qui domine. Le grand patronat corse (BTP, Agro-alimentaire, Tourisme et Grands exploitants agricole), parfaitement intégré au capitalisme européen, porte donc une écrasante responsabilité dans la vente et la destruction de la terre nourricière.
Cette « loi » du marché a de lourdes conséquences sur les mondes de l’agriculture et de l’élevage. Les producteurs de ce secteur de l’économie sont poussés à des mutations qui font d’eux des chefs d’entreprises en délaissant leurs profils de paysans. L’organisation de la production au niveau européen ne prévoit pas que la Corse se développe à partir des besoins collectifs de ses populations. C’est l’industrie du tourisme qui y est privilégiée. Cette politique n’est pas uniquement conçue par la commission de Bruxelles car elle reçoit également l’aval de l’Etat Français et de ses gouvernements.
Le contexte spécifique de la mise en liquidation du domaine de Casabianca.
Des documents officiels font état de procédures judiciaires qui datent déjà de plusieurs années. Le maire de la commune de Linguizetta a également fait état de projets (création d’un golf et d’infrastructures) spéculatifs qui ont déjà concernés ce domaine. La nature et le volume des dettes de la société familiale propriétaire des lieux demeurent inconnues du grand public.
L’opacité entretenue sur ces points est donc délibérée, ce qui peut laisser envisager une opération programmée avec des objectifs de courts et longs termes. A courts termes il est question de la mise en vente du domaine aux plus offrants et le long terme peut laisser envisager une opération de démembrement du domaine. Sa partie littorale est sans aucun doute celle qui a déjà éveillé les appétits spéculatifs. Les déclarations récentes de représentants de la droite insulaire, historiquement favorables à la spéculation immobilière, semble conforter l’hypothèse d’une entreprise de prédation autour du Domaine de Casabianca.
Opposer au droit de l’argent, la résistance populaire.
Formellement le droit tel qu’il est encore pour l’heure peut légalement autoriser la vente du domaine de Casabianca. C’est à cette « légalité » attentatoire au bien commun à laquelle il faut opposer la légitimité des volontés populaires.
L’occupation du domaine par toutes celles et ceux qui se refusent à admettre que la terre soit uniquement considérée en tant que valeur marchande est donc à l’ordre du jour. A ce titre la mobilisation concerne le monde paysan en alliance avec le monde du travail. Les intérêts étant communs, la résistance doit donc être collective.
De la résistance au projet de société.
A Manca s’engage sans hésitation aucune dans toutes les formes de mobilisations publiques afin de mettre en échec la prédation sur le domaine de Casabianca.
C’est le premier pas indispensable. Dans le même temps l’élaboration d’un projet alternatif est également indispensable. L’installation de jeunes agriculteurs et éleveurs sur le domaine de Casabianca et la préservation des intérêts de ceux qui louent actuellement une partie du domaine, est un objectif incontournable.
La gestion et la préservation des sols, la gestion des circuits de distribution et la politique de commercialisation doivent correspondre aux intérêts collectifs et équitables des paysans et des consommateurs.
Nous alertons cependant les forces vives de notre pays sur l’illusion qui laisserait à croire qu’une production agricole de Corse peut s’inscrire dans la logique de la compétition économique internationale.
La résistance est le premier pas, elle doit être accompagnée de l’élaboration d’un projet de société plus global, projet qui place l’humain et ses conditions d’existence au centre des préoccupations.
A MANCA