Avons-nous un avenir après la COP 26 ?
La Conférence de Glasgow sur les changements climatiques, alias COP 26, a vu se dérouler de énièmes négociations émanant des pays signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
Il s’agissait d’une nouvelle tentative pour définir des accords multilatéraux permettant de décarboner progressivement l’économie mondiale, condition sine qua non pour réduire le réchauffement climatique et éviter un effondrement du vivant sur Terre, Humanité comprise. C’est aussi une occasion pour le peuple corse de se rappeler que son sort ne peut s’extraire de celui des enjeux planétaires.
Des dirigeants capitalistes hors sol.
En ouverture de la conférence, le secrétaire général des Nations- Unies, Antonio Guterres, a dressé un tableau très pessimiste. D’une part, son appel au sursaut de 2018 n’a pas été entendu, et d’autre part, les conséquences de la crise sanitaire compromettent définitivement les chances d’éviter un cycle de catastrophes annoncées. Les promesses faites par les parties ne sont qu’à un quart des objectifs de réductions de C02 nécessaires dès 2030 pour éviter un réchauffement global à +2,7°. On se dirige concrètement vers une hypothèse à + 2,4° d’ici 2100.
Tout le monde comprend que les conséquences de ce réchauffement programmé seront effroyables pour l’Humanité mais aucun de ces dirigeants ne pose d’actes politiques forts, qui puissent être à la hauteur des enjeux.
Déni de réalité ? Ticket simple pour un suicide collectif ?
Ce qui est une nouvelle fois à l’œuvre ici, c’est le handicap structurel et intellectuel des responsables politiques soumis aux diktats des dirigeants économiques, aux cadres du Capital. Ceux-ci sont incapables de faire autre chose que de maintenir un modèle économique fondé sur le dogme de la croissance, sur fond de tensions mondiales pour le contrôle des dernières ressources disponibles.
Comble de l’ironie, l’ONG britannique Global Witness a dénoncé la présence à la COP26 de 503 lobbyistes missionnés par l’industrie fossile. C’est à peu près aussi crédible que si l’amicale des pyromanes participait à la définition de la politique de lutte anti-incendie.
Mais il y a aussi des dirigeants politiques de pays parmi les plus riches qui sont paralysés par de grandes contradictions à gérer.
En effet, comment concilier une population conditionnée à la surconsommation avec un objectif de décarbonation. Même les réformistes les plus sincères ne peuvent concevoir ni mettre en œuvre le choc de civilisation nécessaire. Les plus cyniques et conservateurs, face à cet enjeu, mettent en avant l’argument pathétique et démagogue du « retour à la bougie », Macron en tête.
L’escroquerie de la croissante verte.
De nombreux observateurs ont été surpris de la déclaration commune en sept points des représentants de la Chine et des U.S.A.
Mais ne soyons pas dupes, il s’agit plus de diplomatie classique que de réelle préoccupation environnementale. Ces deux géants de la pollution planétaire sont à la fois en concurrence de leadership et sont en même temps interdépendants. Les banques chinoises détiennent 17% de la dette souveraine des Etats- Unis, soit plus de 1 000 milliards de dollars. Jo Biden va de facto creuser cette dette pour investir dans la ‘croissante verte’, un de ses axes politiques centraux.
Les capitalistes ne sont pas à une contradiction près, mais objectivement, la Chine, dont les usines sont plus compétitives et productives, a tout intérêt à investir ce futur marché américain.
Les deux super puissances n’ont pourtant pas le choix, si la guerre commerciale continue de perdurer : le conflit ouvert et armé sera inévitable.
C’est aussi l’option la plus simple pour laquelle optent généralement les capitalistes les plus cyniques.
Quand bien même ces relations diplomatiques s’apaiseraient, une transition écologique fondée sur le nouvel el Dorado du ‘tout-électrique’ et sur le dogme de la croissante verte, enterre de facto les objectifs de décarbonation et de réduction du pillage des ressources.
La croissance économique ne peut pas être verte : elle est dangereuse par nature.
La production de masse d’équipements de substitution au nom de la transition écologique a le même impact sur l’environnement.
Quel que soit le besoin identifié, y compris celui de notre survie, les économistes libéraux privilégient la croissance systématique de l’offre productive sans la relier à son contenu.
Ils dédouanent ainsi par avance les entreprises de toute responsabilité dans la manière dont elles vont répondre à nos besoins.
Ce dogme productiviste conduit à des impasses de plus en plus folles et à une concurrence aussi acharnée que destructrice.
La croissance verte est donc une vaste escroquerie qui continue de vouloir produire sans fin à partir de matières premières dont les quantités sont limitées.
Quelles mesures d’urgences pour la Corse ?
Le Pdt du Conseil Exécutif de la Corse a raison de vouloir placer le peuple corse au centre des enjeux de la COP26, à condition de clarifier la stratégie politique et les choix d’investissements pour des mesures d’urgences. La Corse, pas plus que le reste de l’Humanité, n’offrira un avenir à tout ou partie de ses enfants dans le cadre du capitalisme mortifère, surtout dans un contexte à moyen terme de +2,4° de réchauffement climatique mondial.
Si l’économie de la Corse demeure la propriété quadrillée de quelques patrons insulaires nostalgiques du capitalisme des années 80 et autres prédateurs de la voyoucratie, l’avenir de notre pays est tout tracé.
Dans deux générations, on pourra contempler des ruines de béton entourées de terres brulées et d’une mer acide, où pourraient éventuellement subsister quelques îlots viables dans des conditions très précaires.
Si un espoir demeure, il passe nécessairement par un modèle économique fondé sur la gestion rationnelle des besoins collectifs, respectueuse des ressources naturelles et fondée sur la décroissance.
Et nous n’en sommes actuellement même plus au stade de la préconisation d’un modèle de « décroissance soutenable », mais à celui de « décroissance d’urgence » c’est-à-dire permettant de pouvoir « répondre aux besoins des générations actuelles, sans pour autant compromettre la capacité des générations futures à survivre, et, éventuellement, à répondre à leurs propres besoins ».
Si l’objectif parait ambitieux, il doit avant tout s’appuyer sur une volonté politique et une grande célérité dans les choix à opérer nécessairement.
Le premier chantier doit-être celui de la préservation de la ressource en eau potable.
Seules les options de dessalement et de stockage souterrain peuvent permette de conserver des réserves pour les populations humaines et animales, ainsi que pour les activités agricoles. Un plan basé sur la seule rétention des précipitions est voué à l’échec du fait des périodes de sécheresse et d’évaporation de plus en plus importantes.
Le second axe de travail est celui de l’expérimentation de toutes les innovations technologiques pérennes (c’est-à-dire reproductibles sur place) à l’échelle des territoires, dans le domaine de l’énergie, de l’agriculture raisonnée, du bâtiment et de la production de biens manufacturés (impression 3D).
Enfin, seule une vaste campagne d’éducation à la décroissance et à la consommation responsable peut permettre à la génération prochaine d’essayer de construire un avenir dans un contexte quasi certain d’effondrement global.
Précisons que le propos est bien ici d’essayer d’organiser la survie collective, sans démagogie aucune, car avec un réchauffement global à +2,4°, de vastes territoires ne sont plus compatibles avec la vie de nombreuses espèces vivantes, dont la nôtre.
Sortir de la croissance capitaliste ou mourir, tel est le choix pour l’Humanité dans son ensemble, comme pour sa composante corse.
A Manca