Incontestablement, les idées indépendantistes ont gagné du terrain, y compris chez les non-kanaks, et ce pour deux raisons : d’une part, la campagne pour le oui s’est avérée très dynamique et pédagogique et d’autre part, le vote indépendantiste est apparu comme un vote contestataire pour de nombreux laissés pour compte du tout-tourisme et des politiques néo-libérales. Pour autant, bien que le vote indépendantiste ait progressé de 3,4% en voix (46,7 % contre 43,3% en 2018), sans trop de surprise, le NON l’emporte. Même si un maigre espoir demeure dans le camp du Oui, il y a peu de chance qu’il en soit autrement lors du troisième et dernier référendum, en 2022.
La droite loyaliste, alliée pendant la campagne aux colons les plus acharnés du Rassemblement National, exprime son satisfecit. Selon elle, c’est la démocratie qui s’est exprimée. Mais pour l’observateur qui analyse et identifie les manœuvres de L’État français ces trente dernières années, il semblerait que ce soit la situation démographique du territoire qui ait conditionné le résultat des urnes.
On ne peut en effet dissocier la question du corps électoral de l’évolution démographique en Kanaky. Le premier référendum s’est vu sciemment reporté de 2008 à 2018 dans le but de créer les conditions d’une surreprésentation loyaliste par les mécanismes classiques de la colonisation de peuplement, et ce, quand bien même 40 000 électeurs ne bénéficiant pas de dix ans de résidence ont été écartés du vote. Quand les accords de Matignon furent signés, la Kanaky comptait 162 000 habitants, dont 53% de kanaks et 33% d’Européens. En 2015, la population s’élevait à 268 767 habitants, dont 39% de kanaks et 27,2% d’Européens. Entre les années 2000 et 2007, les Français de métropole ont représenté 75% du solde migratoire. Leur immense majorité peut aujourd’hui arguer de dix ans de résidence en Kanaky et donc participer légalement au vote. Dans ces conditions, on peut organiser autant de référendum que l’on veut en Kanaky, le peuple kanak a été artificiellement dépossédé d’un véritable droit à l’autodétermination.
Il n’est pas certain que l’ensemble des forces vives du peuple kanak accepte un enterrement de première classe que leur destinerait un piège institutionnel. Cependant, ceux et celles qui reprendront le chemin de la lutte risque de se heurter à une répression féroce. En effet, avec le prétexte d’un vote démocratique et d’un processus institutionnel clos, l’État colonial se donnera toute la latitude nécessaire pour justifier toutes les mesures coercitives contre les derniers indigènes récalcitrants en cas de victoire définitive du camp du Non. Macron prépare déjà le terrain en évoquant une majorité de Néo-Calédoniens attachés à la République Française.
Face à ce simulacre, a Manca apporte plus que jamais son soutien au peuple kanak, en espérant que le camp du Oui puisse encore progresser d’ici 2022.
A Manca