CONFERENCE DE PRESSE DU SAMEDI 26 SEPTEMBRE 2020
A MANCA SERA PRESENTE AUX ELECTIONS TERRITORIALES
Une décennie durant, nous n’avons eu de cesse de répéter qu’aucune transformation notable pouvant permettre à la Corse de sortir du statu quo politique actuel, ne pourrait émerger des institutions corsetées de la Ve République française. L’absence totale de la moindre avancée sur les droits politiques du peuple corse à travers ces institutions, et ce, depuis ces cinq dernières années, semble pour le moins valider notre analyse.
Pour autant, face aux graves périls, face à l’avenir sombre que fait peser le capitalisme globalisé sur l’Humanité en général et sur la Corse en particulier, nous avons choisi de nous inscrire à nouveau dans le champ des luttes institutionnelles, au moment où l’attention de toutes et tous est la plus focalisée sur la vie politique médiatique insulaire, à savoir les épisodes électoraux.
Macron et son gouvernement campent, au regard des droits démocratiques du peuple corse, sur une posture de dominant à dominés. De plus, en favorisant un mode de développement néo libéral, ils contribuent à l’accroissement des inégalités, tout en rendant notre pays encore plus dépendant.
La partie de la classe politique insulaire présente dans les institutions a totalement renoncé devant ces politiques. Totalement inféodée au néo libéralisme, elle se soumet de plus au pouvoir du consortium et des lobbies, notamment ceux de l’industrie du tout-tourisme.
Le bilan social de cette situation s’avère accablant. La précarité gagne tous les jours davantage de terrain. Aux couches sociales déjà lourdement affectées par ses effets, s’est rajouté le nombre croissant des travailleurs pauvres. L’érosion sociale touche désormais les classes moyennes en phase de paupérisation accélérée.
Ce sont d’ailleurs plus particulièrement les femmes et la jeunesse qui subissent de plein fouet ce séisme social.
En effet, les prix des produits de première nécessité ne cessent d’augmenter en érodant et minant ainsi le pouvoir d’achat de l’écrasante majorité de celles et ceux qui composent notre société. Le secteur de la grande distribution détient un monopole qui lui permet ainsi d’agir à sa guise, comme ce fut notamment le cas lors de la période de confinement.
Le coût des ressources énergétiques (hydrocarbures, électricité) pénalise lourdement les foyers.
La spéculation immobilière entraîne la marginalisation des classes populaires, la disparition dramatique des terres agricoles et la privatisation des espaces naturels maritimes et montagnards.
Le bilan écologique a largement dépassé le niveau de la cote d’alerte. Les conséquences sur la santé se font dramatiquement ressentir. Les écosystèmes locaux sont bouleversés alors que les effets du réchauffement climatique ne peuvent plus être niés par les observateurs de bonne foi.
Dans les entreprises privées et publiques, la précarisation du travail est devenue la règle du fait de la généralisation des contrats à durées déterminées, du recours au temps partiel et de la stagnation des salaires.
Là où il faudrait développer les transports publics (terrestres, maritimes et aériens mais aussi urbains et ruraux), des politiques qui consacrent la privatisation et l’individualisation des moyens sont privilégiées et mises en œuvre.
Les inégalités touchent également l’accès à des plateaux et moyens techniques de qualité dans le domaine de la santé et de l’éducation.
Dans ce décor, une minorité voit son patrimoine, ses ressources financières et son niveau de vie global augmenter en permanence pendant qu’une majorité s’enfonce dans la récession sociale.
La cause de ce marasme de masse porte un nom : le capitalisme, qui dans sa version contemporaine, le néo libéralisme, prétend régner sans partage aucun sur la société.
C’est donc la question sociale qui demeure avant tout une question éminemment politique, qui se trouve au centre des enjeux.
PAS D’ÉMANCIPATION POLITIQUE SANS ÉMANCIPATION SOCIALE
Le droit à l’autodétermination ne peut se concevoir comme le droit donné à une minorité de changer de drapeau pour continuer à maintenir les mécanismes d’aliénation et d’exploitation au détriment de la majorité. C’est exactement ce qui s’est passé, sous des formes variées, sur le continent africain, durant la période dite de décolonisation dans la seconde moitié du XXe siècle. Tous les révolutionnaires qui ont tenté de revenir à d’authentiques luttes de libération ont été liquidés par des États et l’État français principalement. Nous ne voulons pas d’une telle désaliénation ratée pour la Corse. Nous refusons de toutes nos forces de voir une bourgeoisie plus prédatrice que jamais avoir les mains libres pour nous réduire à la condition de sujets dociles.
C’est pour cela qu’à nos yeux, le processus démocratique d’autodétermination du peuple corse ne peut en aucun cas s’extraire ou se dissocier d’un projet de société en rupture avec le libéralisme et ses formes légales et/ou informelles.
Les Corses qui se vivent comme une composante de la Nation française, doivent se poser les bonnes questions. La bourgeoise corse contrôle déjà l’économie. Est-il sérieux d’envisager que les États et l’Europe puisse incarner la moindre alternative face à des capitalistes insulaires ? Capitalistes insulaires dont l’action s’inscrit pleinement dans la constitution néo-libérale européenne voulue par ces États, parfois même contre les votes des peuples.
L’internationalisme et le fait démocratique commandent à ces Corses de culture française, non pas de renier leur identité construite sur des représentations qui leur sont propres, mais d’accepter le fait que la partie consciente du peuple corse, puisse se reconnaître pleinement dans la Nation Corse qui est une réalité historique. De la même façon, il leur faut aussi accepter que la liberté de choisir le droit à l’autodétermination puisse être défendue pour le peuple corse, au même titre que pour les autres peuples.
L’aspiration à plus de liberté ne peut pas et ne doit pas être considérée comme une menace pour le monde du travail. Quel que soit le cas de figure, c’est la lutte pour une alternative politique contre le libéralisme qui peut seule changer nos conditions de vie. Il est stérile et contre-productif d’opposer la question démocratique corse à la question sociale universelle.
De la même manière, c’est encore cette lutte pour une alternative politique anticapitaliste qui peut seule aboutir à une émancipation pleine et entière des femmes. À cet égard, A Manca, organisation féministe, salue le dynamisme et la puissance des mobilisations sociales féministes qui demeurent à l’heure où nous parlons, les seules mobilisations de masse à la fois significatives et organisées de ces derniers mois en Corse. Si elles ont principalement voulu dénoncer au cours des manifestations les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes dans un contexte de libération salutaire de la parole face à de multiples agressions, ce serait commettre une erreur d’analyse que de les croire strictement limiter à ce champ d’intervention.
En effet, beaucoup de ces militantes engagées en sont venues à dénoncer dans sa globalité la domination masculine qu’impose une société corse toujours patriarcale à la morale traditionaliste. Bien des femmes en lutte font aujourd’hui clairement le lien entre néo-libéralisme et exploitation économique des femmes, entre société de consommation et marchandisation, réification du corps de la femme- pour ne retenir que quelques exemples de ce qui lie le libéralisme à la domination masculine.
À l’heure où la situation en temps de confinement a placé plus que jamais les femmes, en raison de leur surreprésentation dans le secteur médico- social, dans celui de la grande distribution ou de l’aide à la personne-, sur le front de la lutte anti Covid- 19, face aux réalités professionnelles les plus dures et à une précarité maximale, force est de constater que le travail à temps partiel reste l’apanage des femmes, particulièrement dès le deuxième enfant, que l’égalité salariale homme- femme à compétence égale demeure un vœu pieux puisque les femmes touchent environ 20% de moins que les hommes dans le secteur privé. En un mot, les femmes s’avèrent toujours championnes de la précarité comme de la pénibilité dans les conditions de travail. Nihil novo sub sole.
Mais au-delà du domaine économique, bien des fronts de luttes s’ouvrent pour des femmes qui semblent prêtes à se saisir de ces questions, à les prendre à bras le corps : le combat contre toutes les formes d’aliénation patriarcale, contre les représentations genrées dans la société, contre les discriminations de tous ordres, la lutte contre la charge mentale, triste exclusivité féminine ou encore la conquête d’une parité authentique et crédible dans le monde politique. Notre solidarité militante comme l’actualité nous encouragent à faire confiance aux femmes pour avancer sur ces terrains.
AMNISTIE POUR TOUS LES EMPRISONNES. POUR UNE SOLUTION POLITIQUE.
Après de multiples sacrifices individuels, des années de plomb liées à des dérives internes, des épisodes répressifs violents de l’appareil politico -judiciaire, force est de constater que s’est exprimée de la part du mouvement clandestin armé la volonté politique réelle d’amorcer un processus d’apaisement en Corse.
De leur côté, les gouvernements des Hollande et Macron ont maintenu une approche de type droit commun face à la situation des prisonniers politiques. Au contraire d’une volonté d’apaisement, ils ont accru les moyens de fichages, de contrôle et de répression financière sans limite dans le temps. C’est inadmissible.
Rappelons qu’en d’autres temps, le gouvernement de la France n’a pas hésité à amnistier les terroristes de l’O.A.S. En d’autres occasions, le gouvernement de la France n’a pas hésité à commuer les condamnations à mort en peine de prison, pour amnistier par la suite les poursuivis. Quand cela est nécessaire et que des conditions politiques l’exigent, la France sait faire voter des lois d’Amnistie. Alors pourquoi ce deux poids deux mesures ? Nous devrions accepter cet arbitraire uniquement parce que Macron est le disciple de Chevènement sur la question corse et qu’il inscrit son action dans le cadre d’une stratégie d’écrasement revancharde ?
La reconnaissance de la dimension politique des emprisonnés implique un traitement de cette question qui sorte des cadres policiers et juridiques. Cette reconnaissance participe pleinement de l’amorce d’une solution politique. L’amnistie pour tous les militants déjà condamnés et ceux en voie de jugement doit effectivement concerner ceux encore recherchés.
Elle doit signifier l’arrêt définitif des mesures fiscales et pénales encore infligées à des militants ayant déjà effectué des temps d’emprisonnements.
Libre à chacun d’adhérer aux visions de ces militants ou a contrario de ne pas partager leurs convictions. Ce n’est pas là la question. Mais la dimension politique de leur engagement ne peut être en aucun cas niée.
À une stricte question politique doit être apportée une réponse qui se situe sur le même plan.
POUR UNE GAUCHE DE COMBAT ET D’AUTODÉTERMINATION
A Manca affirme que les conditions sont réunies pour la constitution d’une dynamique qui soit une véritable alternative au néo-libéralisme et à ses politiques dévastatrices. Nous sommes prêts à apporter notre part à cette démarche de survie. Précisons qu’une telle démarche ne peut s’extraire, se dissocier d’un véritable internationalisme tourné vers la Méditerranée et l’Europe.
Nous savons que des sensibilités multiples peuvent se retrouver autour d’un véritable projet politique qui n’enferme plus ni le peuple corse, ni le monde du travail dans des représentations stériles opposant artificiellement la question démocratique corse à la question sociale universelle.
Celles et ceux qui agitent l’épouvantail de l’indépendance pour rejeter d’un bloc le principe même du droit à l’autodétermination semblent être totalement déconnectés de la réalité des rapports de force politiques actuels au sein du peuple corse. Nous maintenons un principe que nous avons toujours défendu, celui de la nécessité urgente pour le peuple corse de pouvoir légiférer dans des domaines structurants. Un pouvoir législatif représenterait un degré de liberté supplémentaire consubstantiel au processus d’autodétermination. Penser que le peuple corse pourrait opter pour n’importe quelle aventure sans garantie aucune, c’est avoir une bien piètre opinion des forces vives de ce peuple, de leur bon sens, comme de leur libre arbitre.
Loin de toute dérive sectaire, nous pensons qu’il est possible de bâtir un plan d’urgence axé sur la défense du Bien Commun, des services publics, des droits politiques et culturels du peuple corse, des droits des minorités, du droit du travail, d’une citoyenneté laïque et inclusive, des droits du vivant et de la protection du patrimoine et des ressources collectives.
Nous pensons qu’il est possible de mettre en place des outils nous permettant d’atteindre le plus haut degré d’autonomie dans les domaines où cela s’avère immédiatement réaliste (la gestion des ressources, les circuits courts, l’autonomie alimentaire, l’autonomie énergétique, l’organisation d’une citoyenneté corse active, etc…). Nous sommes convaincus que des choix courageux doivent être réalisés pour investir dans des chantiers de protection des populations, comme la sécurisation des villes côtières face à la montée inéluctable du niveau de la mer Méditerranée. La sécurisation de la production d’eau et la protection des terres cultivables correspondent également à des priorités à court terme. Ces choix ne sont pas compatibles avec ceux des libéraux insulaires, obsédés par la spéculation et la rentabilité à court terme, qui n’anticipent rien… Preuve en est le projet insensé du nouveau port commerce à Bastia qui relève du déni de réalité.
A Manca est donc prête à participer à une démarche unitaire clairement située dans le camp de la gauche anti-libérale et partisane sans ambiguïté du droit à l’autodétermination du peuple corse. Dans l’éventualité où aucun accord, ne souffrant d’aucune ambiguïté sur les principes et points programmatiques, ne verrait le jour avec d’éventuels partenaires, A Manca se présentera aux élections territoriales, sous ses propres couleurs.
A MANCA