Aux origines de toutes les formes de violences sexistes et sexuelles : une société patriarcale et consumériste
La troisième mobilisation contre les violences sexistes et sexuelles organisée le 19 juillet à Calvi a été une vraie réussite. Dynamique et émouvante, elle a rassemblé à l’appel du collectif Donne in lotta plus d’une centaine de personnes, des femmes de tous les âges et de tous les horizons ainsi qu’un certain nombre d’hommes solidaires.
Intergénérationnelle car désireuse de créer des liens à même de favoriser les restitutions d’expérience entre les générations militantes, elle a marqué comme les précédentes, par le courage et l’engagement des jeunes femmes victimes qui ont contribué à son succès et à son retentissement dans l’île. Mais, au-delà des victimes, bien des femmes qui se sont impliquées et senties concernées, se sont trouvées au rendez- vous.
Toutefois, selon nous, Donne di Manca, cette manifestation, premier temps d’une aventure collective audacieuse dans un territoire marqué de longue date par l’absence des mobilisations comme de structures publiques sanitaires et sociales, éreinté par le tout- tourisme, prend sens et se prolonge seulement si l’on interroge les causes de ces violences sexistes et sexuelles.
Dès lors, il apparaît que ces violences plus fréquemment subies par les femmes que par les hommes, traduisent à la fois la réalité encore bien présente en Corse d’une société patriarcale, mais aussi celle d’une société consumériste du tout marchandise dans le cadre de la mondialisation capitaliste. Cette société inégalitaire et contradictoire, en pleine mutation, si elle place les hommes en position dominante, se fonde sur une double aliénation de classe et de genre.
De fait, l’égalité hommes/ femmes reste très largement une revendication inaccessible. Ainsi, dans le monde du travail où les temps partiels, les congés liés à la parentalité restent l’apanage des femmes, le « à compétence égale, salaire égal » tarde à se concrétiser puisque les femmes reçoivent un salaire environ 20% inférieur à celui de leurs collègues masculins.
Au- delà du secteur économique et social, les pratiques culturelles héritées d’une société traditionnelle et agro-pastorale, ancrent la femme dans une infantilisation aliénante favorisée par la structure familiale : ainsi, sur un plan anthropologique, la femme n’est pas un sujet mais un objet d’honneur pour le pouvoir masculin. Il y a encore une trentaine d’années, attenter à l’honneur pouvait d’ailleurs être une cause de vendette entre groupes familiaux élargis. Certains attentats à l’honneur pouvaient alors engendrer de véritables obligations de « récupération d’honneur ».
Enfin, même selon le versant le plus consumériste et donc contemporain de la société corse, la femme demeure un objet, mais cette fois un objet commercial, une marchandise facilitant commerce et juteux profits. Pas un salon de l’automobile qui n’associe en effet par exemple, le corps de la femme dans sa vision hyper sexualisée, avec la possible vente de véhicules à promouvoir.
À cette marchandisation des corps, vient aujourd’hui s’ajouter un accès facilité par les réseaux sociaux pour les jeunes garçons à la pornographie. Cette dernière fait donc de manière dramatique et ravageuse office d’éducation au rapport homme/ femme et à la sexualité.
Dès lors, comment s’étonner que la question cruciale du consentement dans un rapport sexuel ou une relation semble plus que secondaire, voire superflue pour certains et débouche immanquablement sur des agressions ?
On aurait compris que, comme pour bien d’autres sujets, la clé d’une rupture et d’une refondation du modèle de société réside dans l’éducation des jeunes filles mais surtout des jeunes garçons.
C’est sur l’analyse de ces causalités multiples que les militantes de la rupture avec le Vieux Monde que nous sommes, doivent travailler pour aboutir à des propositions d’actions et de mobilisations porteuses de sens comme de changements significatifs.
C’est ce à quoi disons- le, nous nous engageons et attelons portées que nous sommes par la réussite de notre mobilisation comme par la légitimité du combat mené.
Donne di Manca