En ce mois de juin 2019 nous assistons à des événements climatiques hors normes concernant les régions polaires, les glaciers de haute montagne et les étendues de pergélisol (sols gelés en permanence des régions arctiques) du Canada ou de Sibérie. La fonte de 2 milliards de tonnes de glace au Groenland en 24h00 est un fait très alarmant. Cela passerait presque inaperçu dans un contexte anxiogène médiatique permanent, sauf que ces données doivent nous interpeller plus que d’ordinaire. En effet, les événements de dégel ultra-rapides du pergélisol observés étaient censés se produire dans 70 ans ! C’est ce que pointent tous les canaux d’information scientifiques qui confrontent leurs données aux prévisions des experts climatiques du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). En clair le point de bascule vers un emballement incontrôlable du réchauffement climatique paraît de plus en plus proche.
Bastia, comme toutes les villes littorales du monde est donc en première ligne, car la montée du niveau des océans va se faire beaucoup plus rapidement que prévu à ce rythme. Au mois de Mai les experts de l’ONU et de la NASA tablaient sur une élévation de 2 mètres en 2100.
Mais ils mettaient en exergue une courbe de prévisions d’élévation exponentionelle et non-linéaire, le phénomène pourrait être beaucoup plus important que prévu. D’autant plus que l’augmentation n’est pas seulement due au déstockage de l’eau gelée sur Terre mais aussi à la dilatation des océans sous l’effet de l’augmentation des températures. Les dernières données enregistrées en Juin sont catastrophiques dans le sens qu’elles indiquent une tendance lourde vers les pires des scénarios. Dans tous les cas de figures différentes zones de Bastia seront directement menacées dès 2050 comme le montre le site de simulation de la NASA. Le quartier de Toga, les infrastructures portuaires, le front de mer et l’Arinella vont subir de plein fouet la montée des eaux. Les tempêtes hivernales de plus en plus violentes pourraient menacer plus directement une partie du centre ville. C’est inéluctable.
Dans ce contexte on entend le discours surréaliste des promoteurs d’un port de commerce sur la route du front de mer, alors qu’en matière de vastes travaux d’infrastructures il serait plus raisonnable de prioriser un ambitieux plan de préservation de Bastia.
Pourquoi financer un port de commerce qui risque d’être englouti trente ans après sa livraison ? Déni de réalité ?
Le problème est à rechercher ailleurs. Pour comprendre l’inconséquence de ce projet, il faut comprendre la vision économique des Capitalistes. Dans le monde marchand régi par les seules lois du marché, c’est l’accumulation de capital qui prévaut sur toute autre considération. Le capitaliste ne raisonne qu’en termes de maintien de sources de profits au prix d’une surconsommation de ressources naturelles, matérielles et humaines. C’est pour cette raison structurelle que les Capitalistes sont en train de détruire la Planète. C’est pour cette même raison que le patronat corse a détruit des pans entiers de la Corse, recouverte de zones commerciales et de zones résidentielles, dénaturant les territoires, le lien social et culturel, et rendant l’air de notre pays de plus en plus toxique. Il ne s’agît pas pour eux de développer et d’exporter une production locale, mais d’avoir le monopole absolu sur l’accroissement des flux financiers et de marchandises dans le cadre d’une dépendance organisée et du totali-tourisme.
Il y a aussi au sein des élites politiques et économiques corses des personnes qui se projettent vers l’avenir, avec un projet de société plus ou moins adapté à la notion de bien commun. Mais ces professionnels du jeu électoral ne conçoivent la maitrise du pouvoir qu’à travers des institutions et des élections biaisées par le poids économique, financier et social des Capitalistes locaux. Dès lors la recherche de compromis consensuels assurant des gains électoraux, peut se traduire dans les faits par des compromissions mortifères et insensées à moyen et long terme. Il s’agît pour chacun de mesurer aujourd’hui les conséquences des choix de société pour le futur proche. Personne ne pourra dire par la suite qu’on ne savait pas ce qui pouvait se passer en 2050 !
Face aux constats environnementaux inquiétants, des solutions existent pour Bastia, du moins concernant le problème spécifique de la montée des eaux. C’est en s’inspirant des pays du Nord de l’Europe que nous pourrions sécuriser une activité portuaire et le centre de Bastia. Cela passe par la réalisation d’une superstructure en deux tranches de travaux. Premièrement la mise aux normes et la surélévation du Port de commerce actuel sur la base d’une montée du niveau des océans de 2 mètres. Ce n’est pas un défit insurmontable pour les ingénieurs rompus à la réalisation d’infrastructures de ce type. Les prévisionnistes évoquent 12 mètres pour 2500, mais d’ici là d’autres questions se poseront ou plus du tout d’ailleurs.
Ensuite cette mégastructure doit intégrer dans sa conception une seconde tranche de travaux. On parle ici de la réalisation de deux systèmes d’écluses ; une écluse Sud pour sécuriser le Vieux Port, et une écluse Nord pour sécuriser le port et le quartier de Toga.
Là on pourra vraiment parler d’un projet de sauvegarde structurant à 150 ans ! Tout le reste n’est qu’une chimère pour permettre à des promoteurs pathétiques de s’enrichir en aménageant deux cents hectares au sud de la ville. Les bastiais méritent mieux et ont le droit de voir leur ville préservée des bouleversements environnementaux en cours.
A Manca, Cumitatu Bastia