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Un profond mouvement d’opinion traverse notre société. Les nuisances provoquées par la vague touristique suscitent des réactions qui se transforment en une amorce de prise de conscience aux prolongements politiques inéluctables. La question est désormais posée : de quel tourisme voulons-nous ?
A Manca, depuis des décennies n’a eu de cesse que de dénoncer sans relâche un mode dit de développement qui, ne profitant qu’à une minorité, porte atteinte à nos conditions de vie.
I – Un contexte marqué par les pressions
du lobby du tout tourisme en Corse
Le lobby du tourisme qui pensait être parvenu à convaincre l’opinion publique des « bienfaits » de cette activité économique a, au cours de l’été, franchi imprudemment un cap au sujet de l’exploitation exponentielle de nos espaces naturels en général et de nos plages en particulier. Associés, au-delà de leurs supposées sensibilités respectives, en une opération de communication « œcuménique », des responsables politiques ont spéculé hâtivement sur l’idée d’une opinion publique gagnée aux prétendus bénéfices collectifs générés par cette industrie.
Issus du mouvement nationaliste, rescapés de la déroute du parti socialiste, membres des Républicains et macronistes, tous se sont accordés pour mettre en accusation, ce qu’ils dénoncent comme des « excès » en ce qui concerne l’application de la réglementation en matière d’exploitation des activités de plage. Cette tentative d’aggiornamento est présentée par des professionnels de ce secteur comme « la nécessaire adéquation entre les exigences de la clientèle et les prestations qui lui sont proposées ». En langage néo-libéral, cela signifie que c’est le marché qui dicte ses conditions.
Une majorité de Corses refuse la privatisation des espaces naturels collectifs
Si cela va de soi pour les exploitants des plages, il en va tout autrement pour une majorité de l’opinion publique. Les patrons de l’industrie du tourisme pensaient donc leur cause entendue.
C’était sans compter sur un ras-le-bol qui jusqu’alors n’avait pas encore pris la forme d’une contestation. Ils sont désormais confrontés à cette réalité. L’ensemble de la classe politique est aujourd’hui mise en demeure de prendre en compte la détermination de dizaines de milliers de femmes et d’hommes de notre pays.
Un projet de société tranché dans les faits par les fractions de la droite nationaliste
L’actuelle majorité régionale, qui s’est donnée comme objectif la défense du bien commun dans un cadre enfin démocratique, ne peut désormais esquiver le sujet du choix de société, car c’est bien de cela dont il s’agit.
Toujours reporté aux calendes grecques par la majeure partie des directions nationalistes, le débat sur le projet de société est tranché, dans les faits, par les fractions de droite. Celles-ci, afin de maintenir leur pouvoir, ont occulté les contradictions inhérentes à une société composée de classes sociales aux intérêts antagonistes. Pour les petites, moyennes et grandes bourgeoisies de Corse, le peuple ne devait faire qu’un face aux agressions de l’État français.
L’accélération par le tourisme de l’intégration de notre pays dans une dynamique néo- libérale.
Si, sur des questions démocratiques, on peut s’accorder aux principes d’un front commun, il en est radicalement autrement sur les sujets sociaux et économiques.
La principale motivation de cet unanimisme prôné en permanence par la droite nationaliste, a toujours été de faire passer ses intérêts pour les intérêts de tout un peuple. En entretenant un flou permanent, celle-ci s’est méthodiquement employée à utiliser le potentiel militant des classes populaires, tout en s’appliquant à garder le monopole sur la direction de la lutte.
Aujourd’hui, toujours sans un projet de société explicitement exposé, cette droite veut aller plus vite et plus loin. Mais c’est au moyen d’un détournement bien antérieur, que cette opération d’intégration de notre pays dans l’actuelle dynamique néo-libérale est accélérée. Le tourisme est le principal vecteur de cette imbrication.
Le hold-up sur les acquis d’une lutte.
Dans des temps, pas si reculés, nombreux étaient ceux qui, publiquement ou plus discrètement, s’accordaient à reconnaître que les côtes de notre pays étaient épargnées par la bétonisation. Le contre modèle des zones littorales du sud-est de la France marquait alors les esprits.
Les actions de la clandestinité contre la spéculation étaient reconnues pour leur efficacité dans ce domaine. Ce qui était moins connu, et par conséquent sous-évalué, était l’important engagement de militant-e-s sur le terrain des luttes publiques. Les associations de défense de l’environnement comme le collectif pour la défense de la loi « littoral » sont à l’origine de ces mobilisations.
Les discours « économistes » de la petite bourgeoisie imposent un modèle de développement néo-libéral
Au fil du temps et des involutions idéologiques, les actions du FLNC sont devenues de moins en moins lisibles, voire assez contradictoires au regard des buts affichés.
Préconisé par la petite bourgeoisie, les discours « économistes » ont pris le pas sur les thématiques de la LLN (lutte de libération nationale). Faute d’une indépendance de classe, la base populaire de la lutte a été mise à la remorque des fractions de la droite nationaliste. C’est à l’issue d’une bataille idéologique interne au mouvement national que se sont imposées les thématiques d’un développement de nature néo-libérale. Jusqu’à l’été 2018, les directions des principaux mouvements nationalistes, ont assez habilement maintenu leurs discours anti-colonialistes. Sans nul doute, convaincues que la victoire électorale de décembre 2017 est leur propriété, des tendances internes à la majorité régionale n’ont désormais comme unique préoccupation, que de tirer profit de ce changement politique. C’est ce phénomène, et non pas des questions de personnes, qui a pris cet été une visibilité dont témoignent les faits et les diverses déclarations.
L’accélération de cette dynamique a été précédé par un long travail de sape. Les demandes « d’aménagement » de la loi « littoral » ne sont plus du seul apanage de la droite traditionnelle.
La droite nationaliste, représentante des grandes et petites bourgeoisies corses, est aujourd’hui le fer de lance de cette offensive qui vise à terme, la remise en cause d’un PADDUC, péniblement mis en forme. L’industrie du tourisme, jusqu’alors défendue bec et ongle par les Républicains et leurs ancêtres, l’est également par des professionnels de ce secteur qui prétendent agir au nom des intérêts collectifs du peuple corse. Au terme d’un processus initié il y a quelques décennies, les néo-libéraux nationalistes entendent organiser la vie économique et sociale de notre pays en fonction de leurs seuls intérêts de classe. Il est certain qu’au nom de cela, ils sont disposés à des alliances avec des franges politiques de la droite dite républicaine. Sur le terrain, ces collusions se font déjà sentir.
Le hold-up idéologique sur plus de quarante années de lutte trouve là, sa matérialisation. Les masques tombent et de cela des milliers de corses, pour la plupart encore très attachés aux fondements du mouvement de libération contemporain, sont désormais pleinement conscients.
Une démocratie par délégation et une vision régulatrice de l’économie de marché
En décembre 2017 s’est ouverte une période de clarification. L’effondrement électoral des vieilles structures politiques clanistes témoigne d’une aspiration au changement. La majorité régionale issue de ce scrutin, a pleinement bénéficié de ce phénomène. Des dizaines de milliers de Corses ont ainsi exprimé leur volonté de changement et signifié ainsi que c’est en tant que peuple qu’ils se sont prononcés.
A l’échelle de notre société, il s’est agi d’un bouleversement des rapports de force politiques entre les partis archaïques et le mouvement nationaliste. Pour autant, la question d’un changement de société en rupture avec le néo-capitalisme n’a pas été posé par la coalition Femu a Corsica/Corsica Libera, pas plus d’ailleurs que par le mouvement Core in Fronte. Tout au plus, ces trois tendances se sont accordées, à des niveaux variés, a une vision régulatrice du système de l’économie de marché.
Ce que ces élections de décembre 2017 ont également mis en lumière est qu’au fait militant s’est substituée une démarche principalement électorale. Ce schéma d’une « démocratie de délégation » est en conformité avec un modèle largement partagé dans toutes les sociétés dites démocratiques.
Les institutions régionales et municipales sont fondées sur ce modèle.
Outre qu’il ne remet pas en cause les éléments propres à toutes les formes d’aliénation, ce système est conçu pour maintenir le pouvoir aux mains des classes dominantes et ce, quelle que soit la couleur de leur drapeau. Il n’est qu’à observer la composition sociale des principales organisations nationalistes pour comprendre que celles-ci se sont amplement coulées dans un cadre qui peut garantir la préservation de leurs intérêts. C’est ce qu’ont parfaitement intégré ceux qui, encore partie prenante de la majorité régionale, font la promotion de l’industrie du tourisme.
II – État des lieux : heurts et malheurs nés du tourisme
On peut dénombrer quelques dégâts majeurs liés à la sur fréquentation touristique. Les voici brièvement évoqués.
L’impossibilité pour les locaux de vivre dans les centres historiques devenus inabordables ou trop dégradés par la sur fréquentation
Le tourisme, est vecteur des spéculations immobilières et foncières en Corse et dans les autres zones touristiques du monde.
Là où les néo-fascistes multicolores braillent en agitant le « péril » des vagues migratoires, il faut sûrement plus constater l’extraordinaire prolifération des résidences secondaires en Corse. Phénomène auquel il convient de rajouter la construction exponentielle d’immeubles intra-urbains dont la destination première est orientée vers la location saisonnière. Ces deux facteurs cumulés sont à l’origine d’une cherté des loyers qui pénalise les classes populaires, au sein desquelles les femmes et les jeunes sont les premières victimes de cette situation.
Les habitants sont les premières victimes du tout-tourisme de masse. La hausse des loyers rend l’installation et le logement dans les centres historiques inabordables et, poussée à un paroxysme, entraîne des déménagements forcés, comme à Venise où ne restent que 55 000 Vénitiens dans la cité pour plus de trente millions de touristes par an. Il est donc clair que les habitants se déplacent pour échapper aux touristes. Les résidents pâtissent aussi de la saleté et des nuisances sonores.
Le totalitourisme devient une mono-activité industrielle qui détruit d’autres acteurs de l’économie (agriculteurs, éleveurs, pécheurs…) et n’attirent plus les compétences. De nombreux commerces et services sont cependant orientés vers un unique but : faire croitre toujours davantage les profits.
Des infrastructures saturées dont la gestion et l’entretien pèsent sur la population résidente.
Il en va ainsi des routes et autoroutes des villes et territoires mais aussi des parkings et autres services à la population. Cette saturation des équipements touche aussi bien les transports, la santé que le nettoyage et traitement des déchets ou encore l’entretien des espaces naturels collectifs. La présence des touristes entraîne ainsi des surcoûts de gestion et d’entretien pesant sur la population locale. En Inde par exemple, la ville de Jaisalmer a vu le tourisme croître fortement. Mais le système d’égouts n’est pas en mesure de suivre, et des fuites menacent la ville.
La mort de «la poule aux œufs d’or » par l’épuisement des ressources naturelles
Certains de ces professionnels du tourisme prédateurs et spéculateurs, mauvais dans leurs champs d’activités même, tuent «la poule aux œufs d’or ». Ils parviennent ainsi à détruire ce qui fait l’attrait de sites exceptionnels, devenant sur fréquentés et donc dégradés en tous points. C’est ce qui arrive à Venise depuis des années. La Cité des Doges vit une lente agonie. Elle a perdu 50% de sa population en trente ans et a 545 touristes pour un habitant.
La menace récente de retrait du label octroyé par l’UNESCO pour Scandola révèle aussi chez nous un épuisement ou une mise en danger des espaces naturels et de la biodiversité qui les peuple. Le tourisme de masse entraîne la pollution, la surexploitation des ressources, une mauvaise gestion des déchets et des dommages causés à la faune. Par exemple, les récifs des îles de Koh Khai en Thaïlande ont été endommagés par les humains. En mai 2016, le gouvernement a fermé les trois îles aux visiteurs.
Des menaces permanentes sur le patrimoine et l’identité culturels.
De façon générale, de lourdes menaces planent sur la culture immatérielle des territoires qui perdent leur identité culturelle et inventent de faux rites pour les touristes, à l’origine d’une nette tendance à l’autofolklorisation.
III – Tordre le cou au cheval de bataille de la bourgeoisie corse :
Le tourisme n’enrichit pas tous les Corses et n’est la seule source de développement économique pour la Corse
Un tourisme porteur de richesse pour tous ?
Si l’on s’en tient à une communication récente dans la presse insulaire, le tourisme (hors transports) représenterait 24% du Produit Intérieure Brut de la Corse. Le 9 août 2017, il y avait 400 900 touristes en Corse, créant un PIB journalier de 25 256 700 euros.
En prenant en compte le dernier chiffre connu du PIB corse soit 9 097 000 000 euros en 2016, le tourisme aurait injecté 2 183 280 000 euros dans l’économie de la Corse en 2017, soit 6 463 euros par habitant.
Les paramètres oubliés qui nuancent l’idée que le tourisme est une manne financière pour tous les Corses
Ce chiffre est surprenant quand on connaît l’importance de la pauvreté en Corse, la précarité sur le marché du travail et l’écart des richesses qui se creuse. Il faut donc le relativiser et ce, pour plusieurs raisons.
En effet, ce chiffre de prend pas en compte les charges intérieures brutes directement imputables aux activités touristiques qui mobilisent les infrastructures et services à la charge des contribuables corses. Prenons par exemple le cas des déchets. D’après l’ATC, il y avait 1,4 millions de touristes entre le 1er juillet et le 31 août 2017. D’après le Syvadec, ceux-ci ont produit 19 840 tonnes de déchets. Il faut également prendre en compte les 1,2 millions de touristes de la basse saison qui ont produit 17 906 tonnes de déchets supplémentaires, ce qui fait un total de 36 846 tonnes dont le traitement a coûté 12 159 180 euros à la collectivité. On pourrait faire le même exercice pour le surcoût généré pour l’ensemble des autres services mobilisés.
Ce chiffre ne prend pas non plus en compte la destination des flux financiers générés par le tourisme. Selon l’agence du tourisme de la Corse et l’Insee corse, l’estivant type est français. Il se déplace en famille. Il dispose d’une certaine aisance financière et affiche une vraie préférence pour la location entre particuliers. La location d’appartements et de maisons s’est faite en ligne. « À cet égard, un hébergement sur deux est retenu via des sites tels que Airbnb, Abritel, Homelidays ». Or, précisément, les programmes des promoteurs immobiliers insulaires concernent de plus en plus des propriétaires français et européens qui investissent dans ce type de logements. Ils sont doublement gagnants à la fois par les mesures de défiscalisation et le jackpot de la saison estivale. Autant d’argent qui ne concerne pas véritablement le Produit Intérieur brut de la Corse mais qui permet aux spéculateurs internes et externes d’accroître leurs profits.
IV – Les périls du tourisme de masse
Le prisme touristique actuel : la Corse, lieu de consommation de loisirs
Parmi les 2 700 000 touristes recensés lors de l’année 2017, combien sont ceux qui ne voient la Corse qu’en tant que lieu de consommation de loisirs, voire lieu à consommer ? Une écrasante majorité.
Parmi cette clientèle avide de soleil, de montagnes et de plages, combien sont-ils à considérer que, pour de « vrais gens » présents à l’année in situ, la Corse est un lieu d’existence et de vie ? Une infime minorité.
La Corse, victime de la barbarie de la « civilisation des loisirs »
La civilisation des loisirs ne tient pas compte des cultures, de l’écologie ni des questions sociales. Pour ses tenants, les pays d’accueil des flux touristiques ne sont que des produits et la seule règle qu’ils respectent est celle de l’accumulation des profits par l’extorsion permanente de la plus-value.
En un même mouvement, les consommateurs de tourisme et les patrons de cette industrie, entendent modeler les destinations à leurs seuls bénéfices et satisfaction. Cette vision des relations participe, en Corse comme sous d’autres cieux, à la marginalisation de la majorité des populations locales. Seule une minorité tire pleinement avantage du totalitourisme. Elle est composée de classes sociales, petites, moyennes et grandes bourgeoisies enracinées en Corse. Ce sont elles qui mettent notre pays à l’encan, précipitent le monde agro-pastoral vers le néant, « marchandisent » à outrance les espaces naturels, participent de la cherté de la vie et ruinent de fait toutes les tentatives de développement prioritairement centrées sur les besoins fondamentaux des classes populaires, alors que celles-ci sont numériquement majoritaires au sein de la communauté de destin qu’est le peuple corse.
Une pratique totalitouristique attentatoire à nos conditions de vie
Le tourisme tel qu’il est organisé et pratiqué aujourd’hui, est attentatoire à nos conditions de vie. Son terme porte atteinte à la notion même de culture, entendue comme manière spécifique de se vivre dans le concert universel. L’agression s’opère aussi bien aux plans individuels que collectifs.
Pousser les contradictions de classe au sein du mouvement national
A contrario des débris organisationnels de la gauche réformiste pro-française, A Manca se propose de pousser les contradictions de classes au sein du mouvement national afin que celui-ci soit porteur d’un projet d’émancipation nationale et sociale.
Autour de la question du tourisme, ces contradictions sont flagrantes. Notre projet intitulé « pour un tourisme choisi » matérialise concrètement l’incompatibilité totale entre la globalisation libérale et la marche du peuple corse vers son émancipation.
L’enjeu de l’heure est donc de donner à la contestation (aussi salutaire soit-elle), un prolongement politique. C’est clairement à cela que nous nous employons. Le sujet de l’heure étant la question du tourisme, nous nous prononçons pour un TOURISME CHOISI et pour la mise en actions de toutes les mesures qui doivent lui donner consistance.
Ce projet d’avenir se fonde sur des constats et sur le lien existant entre ce TOTALITOURISME et les spéculations immobilières et foncières. L’enjeu dépasse, et de loin, le seul aspect d’une contestation de circonstance. C’est de notre avenir dont il est question. Un avenir donc pour l’écrasante majorité du peuple corse. Majorité composée par les couches populaires, sans lesquelles la société ne peut fonctionner. Salarié-e-s des secteurs privés et publics, retraité-e-s, sans emploi, femmes et jeunes, employés et intellectuels, nous faisons au quotidien cette société. Il est donc légitime que nous prétendions en maîtriser le fonctionnement.
V – L’alternative au tourisme de masse :
le tourisme choisi
En préambule, il nous apparaît incontournable d’exposer ici notre « carte d’identité politique ». Celle-ci donne un éclairage sur les prises de position d’a Manca, que ce soit sur les sujets de l’heure aussi bien que sur le projet de société qui fonde notre démarche. Les revendications immédiates comme celle d’un autre tourisme s’inscrivent donc dans une perspective qui, traitant des causes structurelles, dessine les contours d’un projet alternatif.
QUI : c’est au peuple Corse en tant que communauté de destin d’exercer les choix dans tous les domaines qui participent de la préservation et de la promotion de ses intérêts fondamentaux.
POURQUOI : la relation entre le peuple corse et l’État français se caractérise par un rapport de dominés à dominant. La relation entre les classes populaires de Corse et les classes possédantes se caractérise toujours par un rapport de sujétion des premières aux secondes, et ce, au détriment de leurs conditions de vie. Le néo-libéralisme, par sa nature et son mode de développement et L’État français, par les politiques qu’il impose, constituent les facteurs fondamentaux d’une double domination attentatoire aux intérêts populaires.
COMMENT : le droit à l’autodétermination et l’autogestion fondent le socle de l’édification d’un cadre démocratique et ce, en opposition radicale avec L’État français et les classes dominantes de Corse. Le droit à l’autodétermination est un processus dynamique qui implique des niveaux de mobilisation qui prennent en compte les revendications immédiates dans la perspective d’un changement politique, pour une société débarrassée de toutes les formes de domination.
Notre proposition intitulée « pour un tourisme choisi » fixe donc un cadre général pour les courts, moyens et longs termes. Ce sont les degrés et les niveaux de mobilisation qui déterminent l’aboutissement de cette revendication.
Une politique touristique à court terme, dans le cadre des institutions actuelles
Une politique du tourisme et la déclinaison des mesures qui doivent l’accompagner, peut se concevoir au niveau des institutions actuelles.
La Collectivité de Corse, en dépit de sa nature et des limites de pouvoir qui lui sont imposées par l’État, peut fixer partiellement le cadre global des activités économiques dont le tourisme est un élément parmi d’autres. En relation avec les collectivités locales, elle peut donc, sur la base d’une volonté politique, mettre en œuvre des dispositions.
En voici, une première liste non exhaustive :
– l’augmentation de 100% de l’impôt sur les résidences secondaires.
– l’augmentation des taxes sur les compagnies de transport dont les sièges sociaux ne sont pas en Corse.
– l’obligation de déclaration d’activité pour les bailleurs et taxation des revenus locatifs.
– l’augmentation des surfaces destinées aux activités agro-pastorales.
– le veto sur les autorisations d’implantation des grandes surfaces.
– l’interdiction de circulation et de stationnement des véhicules sur les espaces naturels.
– l’augmentation du volume des logements sociaux.
– l’interdiction des activités dites de plage aux personnes et sociétés non respectueuses des cadres légaux.
– l’augmentation de 100% de la taxe de séjour.
– la fiscalité de la collecte et du traitement des déchets en relation avec l’origine et le volume de production.
– la promotion de l’accueil des voyages aux vocations pédagogiques, aux congrès et séminaires scientifiques, aux échanges culturels et sportifs.
– la régulation des activités de plein air.
– la limitation des accès aux zones classées en tant que « zones naturelles » et limitation des activités professionnelles en exercice sur ces zones.
– l’interdiction d’accès aux véhicules de transport collectifs terrestres.
Une politique à long terme par la contestation radicale de l’ordre libéral
Nous sommes tout à fait conscients que ces mesures ne règlent pas la question de façon définitive. L’environnement géopolitique de la Corse se caractérise par une domination sans partage du néo-libéralisme. Il est totalement illusoire de penser qu’un projet de société alternatif pour notre pays puisse à lui seul garantir le mouvement de changement nécessaire, parce que vital.
La contestation radicale de « l’ordre » libéral ne peut que prendre une dimension internationale afin d’assurer son aboutissement. Cette interdépendance entre les luttes locales et les mobilisations internationales doit nous conduire à être attentifs à tous les phénomènes qui ne manqueront pas d’agiter les sociétés européennes et du sud de la Méditerranée.
Cet aspect ne signifie pas qu’il faille attendre une libération venue de l’extérieur. Mais ce sont les alliances objectives entre les classes et les peuples victimes du capitalisme du XXIème siècle qui desserreront l’étau.
Barcelone, Split, Venise, Ibiza, Berlin, toutes ces cités voient la contestation du tourisme croître de jour en jour. Là où le néo-libéralisme exacerbe la compétition, il faut lui opposer un mouvement international afin que le droit de circuler librement soit compatible avec les terres qui accueillent les voyageurs.
Promouvoir le voyage comme alternative au tourisme dans la découverte de l’Autre
Le sociologue Rodolphe Christin dans son Manuel de l’anti tourisme, fait l’apologie du voyageur, qui serait respectueux des lieux et curieux des peuples et des cultures qu’il rencontre au cours de son voyage. Dénonçant la « mondophagie touristique » comme la disparition des spécificités, il promeut comme nous voulons le faire l’essence du voyage.
En Corse, des initiatives participent déjà depuis bien longtemps à la promotion d’un autre tourisme et permettent ce voyage. Deux exemples parmi d’autres nous ont marqués en tant que spectateurs. Il s’agit de deux festivals aussi atypiques que fréquentés. En incitant leur public à dépasser les clichés en s’ouvrant aux métissages, à « préférer le chemin à la destination »1, les Rencontres de chants polyphoniques de Calvi et le festival Sorru in Musica invitent dans des genres très divers, le voyageur à se fondre dans la musique et le chant, à disparaitre pour mieux rencontrer l’autre. Ainsi, des lieux d’accueil comme la Poudrière ou le Couvent de Vico rendent possible le partage et l’ouverture dans un profond respect de toutes les identités culturelles.
C’est à rendre possibles les conditions de ce tourisme alternatif, de ce voyage que nous voulons travailler et inviter à travailler nos lecteurs.
A Manca