Résolution politique
Morts pour le pétrole
A Manca condamne sans réserve aucune les actions criminelles perpétrées à Paris. Nos pensées vont aux familles et aux proches des victimes. Frappées par la douleur, l’incompréhension, en proie à la révolte et à la colère, ces familles rejoignent le sinistre cortège qui s’étire depuis des décennies sous d’autres cieux.
Les assassinats de masse qui se sont déroulés dans les rues de Paris sont aussi subis par les populations de Palestine, d’Irak, de Syrie, du Niger , du Nigeria et du Cameroun, pour ne citer que ces pays. C’est en effet par centaines de milliers que des femmes, des hommes et des enfants sont déjà tombés. Et il est à craindre que faute de solutions politiques, les mêmes causes produisent les mêmes effets, y compris au sein de pays éloignés des épicentres actuels.
Notre indignation n’est pas sélective. Elle vaut pour tous les peuples, pour tous les êtres humains qui sont pris en étau dans des logiques infernales. Pris en étau en effet, entre les politiques poursuivies par les Etats occidentaux, eux mêmes instruments des multinationales, et des mouvements politiques fondamentalistes fondés sur l’obscurantisme et des thèses propres à toutes les idéologies réactionnaires et totalitaires.
Une origine sur le théâtre proche-oriental
Le sort infligé au peuple palestinien, les guerres dites du Golfe, le soutien permanent à des dictatures, à des bandes armées, sont autant de faits directement à l’origine des événements que nous vivons aujourd’hui et qui manqueront pas de se produire à nouveau. Les Etats occidentaux, leurs gouvernements successifs et leurs complices locaux portent une responsabilité originelle écrasante dans les carnages actuels.
Depuis les lendemains de la Première Guerre mondiale, les puissances impérialistes, américaine, française et britannique, exercent leur domination sur l’ensemble de la région. Le pétrole constitue rappelons-le l’essentiel des motivations de ces Etats. Depuis lors, tout a été mis en œuvre pour garantir les intérêts des grandes compagnies pétrolières.
Ces politiques scélérates ne peuvent en aucune manière être occultées. La propagande qui vise à présenter les conflits du Moyen-Orient comme un « choc » de civilisations, ne vise qu’un objectif : souder les populations des pays riches sous la bannière de leurs Etats et plus précisément sous celle des classes dirigeantes.
Le discours sur les « vertus démocratiques » de l’actuelle république française n’est pas sans rappeler le discours de la propagande coloniale qui visait lui à promouvoir au XIXème et XXème siècles les « vertus civilisatrices » de la France, « patrie des droits de l’Homme ». L’histoire témoigne d’une autre réalité : celle de l’exploitation des hommes et des richesses naturelles par la plus grande entreprise mafieuse qui soit: l’impérialisme.
Mettre en œuvre une politique alternative
La récupération du drame survenu à Paris par les dirigeants occidentaux consiste à obtenir un consensus afin de poursuivre leur politique au Moyen-Orient.
Nous dénonçons ces tentatives démagogiques et nous appelons à refuser cette logique impérialiste qui ne peut qu’engendrer encore plus d’injustice et donc de violences meurtrières.
Une politique alternative passe par la reconnaissance des droits du peuple palestinien et kurde et par le soutien aux forces progressistes de ces régions. Elle passe tout autant par des mobilisations afin d’exiger l’arrêt des logiques prédatrices perpétrées par les Etats occidentaux et leurs maîtres issus du monde de la finance.
Une politique alternative passe nécessairement par la prise de conscience du plus grand nombre des citoyens au sein des sociétés occidentales : ce qui est advenu à Paris se situe à un degré largement dépassé, et ce depuis des années, à Gaza, et à Bagdad, pour ne citer que ces lieux. Cela n’enlève rien aux horreurs commises à Paris mais personne n’ignore dans quel chaos vivent des millions de femmes et d’hommes dans les pays du Moyen-Orient.
Ce sont, faut-il encore le préciser, les gouvernements américains qui ont armé Ben Laden et les talibans. Ce sont les Etats américains, français et britanniques qui ont armé les troupes de Saddam Hussein en entretenant ainsi le conflit Irako-Iranien. C’est Georges Bush qui a déclenché une guerre en envahissant pour la deuxième fois l’Irak, et ce en usant de contre-vérités, aujourd’hui connues de tous. L’État théocratique et ultra-libéral d’Arabie Saoudite et ses homologues du Golfe, violent sans vergogne tous les droits de l’Homme et sont néanmoins protégés par les puissances impérialistes. Dans ces pays, les exécutions sommaires, le déni des droits des femmes, l’interdiction de se constituer en parti ou syndicat fondent la carte d’identité politique des régimes en place.
Les États laïcs d’Irak, de Lybie et de Syrie n’ont donc pas été démantelés par les Occidentaux sur le critère de respect des droits de l’Homme.
Depuis cinquante ans, le Peuple palestinien est spolié, exilé et privé d’existence. Cette politique est certes poursuivie par l’État israélien, mais elle bénéficie également du soutien politique, économique et militaire des États-Unis et de la complicité de la majorité des États Occidentaux.
Nous tenons à rappeler que les mouvements progressistes et/ ou révolutionnaires du monde arabe ont fait l’objet d’une impitoyable répression organisée par les Etats occidentaux qui n’ont pas hésité pour se faire à armer et soutenir des systèmes dictatoriaux. Des courants fondamentalistes minoritaires ont été également les instruments de ces politiques, qu’ils soient au pouvoir comme dans les Etats du Golfe, ou constitués en bandes armées comme c’est le cas aujourd’hui en Syrie.
La propagande et son florilège de mensonges et de manipulations ne peuvent en aucun cas dissimuler que c’est pour le pétrole au Moyen-Orient et les richesses minières dans d’autres contrées d’Afrique que sont organisés, mis en œuvre et entretenus tous les conflits régionaux. Les vrais maîtres du monde sont les multinationales et les cercles de la finance qui tirent des profits colossaux de l’exploitation des hommes et des ressources naturelles.
La guerre est effectivement une réalité pour des centaines de millions d’hommes et de femmes. La logique infernale veut que le théâtre des affrontements se trouve également au cœur même de nos sociétés. Cette logique se nourrit aussi de la précarité croissante, de la dépolitisation de masse et du consumérisme généralisé qui touche l’ensemble de nos sociétés européennes en voie de dé-idéologisation, cibles de choix du capitalisme mondialisé triomphant. Dans les Etats occidentaux, on voit d’ailleurs partout se réduire comme peau de chagrin toutes les politiques publiques sociales, d’éducation ou de santé à même de contrecarrer les effets délétères de ce libéralisme. Mais des questions restent en suspens : qui vend les armes? Qui commerce avec les dictatures théocratiques? Qui achète, y compris à Daesh, le pétrole?
Les pièges de l’unité nationale
En tant que travailleurs, en tant que militants du droit à l’autodétermination du peuple corse, en tant que militants anti-impérialistes et anticolonialistes, nous rejetons l’appel à l’unité nationale, lancé par la classe politique française. Nous refusons d’exiger des moyens supplémentaires destinés à renforcer les appareils, policiers, judiciaires et militaires comme viennent de le demander Jean-Luc Mélenchon et ses amis.
Nous condamnons sans ambiguïté aucune tous les propos racistes, toutes les stigmatisations et tous les amalgames dont sont déjà victimes les personnes, croyantes ou non, issues du monde arabe. Nous dénonçons les actions des fascistes qui brandissent l’argument prétendument religieux et cherchent à couper les hommes et les femmes issues de l’immigration du reste de nos sociétés.
Nous nions à toutes les religions le droit d’intervenir directement ou indirectement dans le champ des affaires publiques.
Ces guerres ne sont pas les nôtres. En repoussant toute forme de démagogie, nous affirmons que les faits qui viennent de se dérouler sont également la conséquence de la faiblesse des mobilisations, dans le champ des luttes, qu’elles soient sociales, antiracistes ou anti-impérialistes. Nos sociétés consomment les produits directs ou dérivés de l’industrie pétrolière. Les richesses produites ne sont pas équitablement redistribuées. Captées par des forces économiques, elles sont confisquées y compris par le moyen des armes.
Chaque fois qu’une bombe éclate à Damas, chaque fois qu’un hôpital ou des habitations sont rasés à Gaza, chaque fois que des combattants kurdes espèrent notre solidarité, il nous faut répondre présents.
Comme il nous faut répondre présents, chaque fois que le racisme, la xénophobie et toutes les formes de discriminations confinent des populations entières à la périphérie de nos sociétés.
C’est à ces seules conditions que l’espoir d’une paix durable peut émerger.
A Manca