Le FN se dévoile
Le Pen, Présidente du Front National, en visite sur Aiacciu le mercredi 6 novembre, a déclaré que le statut de résident est « discriminatoire par rapport aux Français » (1) , et elle s’est également exprimée sur la co- officialité de la langue corse en y affirmant son opposition.
Aux oubliettes le Diu Vi Salvi Regina du meeting des présidentielles d’Aiacciu. Le parti des Ultras Français ne peut jouer l’ambiguïté lors des municipales. Dans ces conditions, que va t-il rester à ceux qui escomptent voter FN ?
Facile et limpide. Voter FN reviendrait, encore une fois, à désigner les immigrés comme LES responsables du marasme économique et social qui place la Corse en tête des statistiques officielles pour le taux de chômage et le taux de pauvreté.Le ferment du vote à l’extrême droite reste donc le racisme. La plupart des électeurs de ce camp ne s’y trompe pas. Il suffit pour cela de les écouter.
Les opportunistes qui profitent du vote FN
N’oublions pas que certains se frottent déjà les mains en spéculant sur le score présumé de l’extrême droite.
Il y a d’abord ceux qui jouent avec le feu en France : les chefs du Parti Socialiste qui font le calcul d’un affaiblissement électoral de la droite. Ce cynisme de basse politique va occasionner immanquablement un effet boomerang ; en effet, plus les scores du FN sont élevés, plus il apparaît comme un parti institutionnalisé, donc crédible et éligible aux fonctions majeures. Cette banalisation que Marine Le Pen s’évertue à promouvoir, pourrait édulcorer – et en cela il y a danger- la véritable nature du FN.
Le cynisme n’est pas le seul apanage du PS ; à ce titre, le silence sépulcral des organisations intégristes qui se réclament d’un islam radical, est éloquent. Le calcul est simple : plus les personnes issues de l’immigration se sentent stigmatisées, plus elles apparaissent comme les seules à protéger une communauté. En revanche, dans la vie quotidienne, la majorité des personnes issues de l’immigration maghrébine en Corse ne se reconnaît pas en tant que membre d’une communauté mais se communautarise parfois en réaction à une discrimination raciste ou une ghettoïsation. Cette nouvelle composante de l’extrême droite, c’est-à-dire les organisations politico-religieuses et strictement fondamentalistes de l’islam radical, œuvre à liquider toutes les perspectives d’une souhaitable communauté de destin.
La prise en otage des femmes et des hommes issus des exodes économiques et sociaux est également un des dangers principaux qu’engendrent les mauvais calculs de ceux qui jouent des coups de poker avec le vote FN. Ce risque majeur a pour conséquences plus terribles encore le retranchement des différentes communautés issues de l’immigration et son corollaire, le risque potentiel de la multiplication des affrontements intercommunautaires.
La genèse des mensonges grossiers et manipulations du FN
Les enseignements que l’on peut tirer de la visite éclair de la fille Le Pen sont de plusieurs ordres. En premier lieu, le FN n’hésite pas à tenter de manipuler l’opinion. L’exemple que constituent les déclarations du FN au premier tour des dernières présidentielles est éloquent. Au meeting d’Aiacciu, se multiplient les signaux laissant à penser que Le Pen comprend les revendications des Corses sans citer une seule fois les nationalistes. Au Diu Vi Salvi Regina et aux drapeaux à tête de Maure se rajoutent les messages à peine subliminaux : « vous vous sentez menacés par la mondialisation…/ vous tenez à vos traditions…/ vous connaissez l’insécurité que provoque une immigration massive…/vous voulez préserver votre identité…/ le FN se reconnaît dans ces aspirations légitimes, surtout quand le pouvoir central reste sourd à l’expression de vos attentes et que les partis des institutions vous abandonnent…/ ».
Le discours d’alors est fondé sur les visions d’Olivier Martinelli, lui même très influencé par les thèses de Charles Maurras (2) et de Bruno Mégret. L’œuvre nauséabonde du premier n’est déjà que trop connue. Portons alors une attention particulière à la thèse mégrétiste dite de la France des Provinces. Le contenu de cette thèse puise ses inspirations au cœur des discours violemment anti- républicains de Maurras et des courants populistes, monarchistes, intégristes et religieux qui nourrissaient le corpus idéologique de l’extrême droite française depuis la fin du XIXème siècle. Tentons de résumer l’essentiel : la République est illégitime car elle nie les traditions et les valeurs de la Nation Française. Les valeurs présumées de celle-ci étant l’attachement au catholicisme, à l’obéissance due aux chefs, à la famille regroupée autour de la figure du père, à la place des femmes au foyer, à la pureté de la race, aux souvenirs vénérés des grands rois, aux droits du sang indissociables des droits du sol, à la défense des corporations et aux Provinces, matrices éternelles de la Nation Franque. Subrepticement Mégret ajoute à cela une dose opportuniste de défense des langues et patois régionaux menacés selon lui par la mondialisation que Marine Le Pen appelle le mondialisme, les politiques du pouvoir central et le métissage encouragé par ce même pouvoir central. Ce fatras de pseudos concepts joue principalement sur les peurs, moteurs des tentations xénophobes. Ces tentations ressurgissent en même temps que les difficultés économiques et sociales propres aux cycles qui caractérisent le fonctionnement du Capitalisme.
Un discours impérialiste et colonialiste
Ce bagage politique, porté alors par Olivier Martinelli, puis, sommairement repris par la famille Le Pen, ne vise pas à l’indépendance du Peuple corse. Le véritable dessein consiste à faire du Peuple corse l’égal des autres peuples de France, eux- mêmes égaux aux peuples de l’Occident. Il s’agit là d’un classique de l’extrême droite. A l’opposé du droit à l’autodétermination, cette vision fantasmée du peuple corse se fonde sur la soumission de fait à une construction impérialiste et colonialiste. Dans un tel cadre, il apparaît donc que la France apporte la sécurité d’un état fort, protège des invasions, assure une prospérité pour tous et reconnaît les Corses comme ses enfants légitimes.
Ce discours colonial dans sa vraie substance rejoint les thèses pétainistes : « Travail. Famille. Patrie ». Infiniment plus construit que celui du FN de Fiamma Corsa d’ajourd’hui, il est directement à l’origine du vote massif pour Le Pen lors des dernières présidentielles, car il a de plus trouvé un terreau dans les graves approximations idéologiques commises par une grande partie des directions du Mouvement National corse.
Au vote FN anti-corse, quelles réponses du mouvement national ?
Aux indépendantistes de gauche que nous sommes, Le Pen dans ses dernières prises de position, a donc rendu un inestimable service. Nous qui nous évertuons à expliquer que le vote FN est et a toujours été un vote anti-corse, pouvons le réaffirmer aujourd’hui avec encore plus de force et de certitude. Oui, le vote FN est attentatoire aux intérêts fondamentaux du Peuple corse. Ceux qui s’apprêtent à donner leurs suffrages au FN doivent prendre conscience qu’ils adhèrent au camp de la nouvelle Corse Française.
Mais, nous ne pouvons pas nous satisfaire des erreurs commises par l’extrême droite. Elles ne font que partiellement prendre conscience de la nature du FN. Reste le fond raciste enfoui sous le discours sur l’immigration qui devrait, comme la vision coloniale du FN, être combattu sans concession aucune, ce que nous faisons. Qu’en pensent les Nationalistes du Rinnovu, de Corsica Libara, du Partitu di a Nazione Corsa, de Femu a Corsica et a Chjama ?
1 Corse Matin du 6 novembre 2013 – http://www.corsematin.com/article/ajaccio/video-marine-le-pen-a-ajaccio-la-corse-cest-la-france.1192544.html
2 essayiste et homme politique de droite, fondateur du journal l’Action française