La victoire électorale de la liste Pè a Corsica est sans appel. En enregistrant une augmentation de quelques 13 000 voix entre les deux tours, elle porte son score à 67 155 voix soit 56,46% des suffrages exprimés. Ce sont donc 41 conseillers (e)s territoriaux nationalistes sur 63 sièges qui représentent désormais la majorité absolue au sein de la collectivité territoriale.
Dans cette assemblée, ne vont plus siéger par ailleurs que des conseillers issus de la droite et pro-Macron (qui se partagent les 22 sièges restants).
Cette réussite consacre la stratégie du courant des autonomistes associés aux régionalistes, courant qui constitue une majorité dans la majorité. Le pacte de gouvernement signé avec les indépendantistes de Corsica Libera vaut pour dix ans. La principale revendication de cette coalition est donc l’autonomie la plus large (notamment avec le pouvoir de légiférer hors des domaines régaliens de l’Etat) dans le cadre de la République française. Cet objectif de pouvoir légiférer est un socle unitaire du mouvement national déjà exprimé massivement lors de la manifestation du 25 mars 2000. Cette revendication vieille de plus de quarante ans va-t-elle être cette fois-ci entendue par le pouvoir central ? Le proche avenir le dira.Depuis le dimanche 10 décembre au soir, ce sont des nationalistes qui dirigent les institutions en Corse. Dès lors, et cela sera visible dès les premières annonces dans les domaines économiques et sociaux, ils sont dans l’obligation de préciser clairement les contours idéologiques du projet de société qu’ils porteront.
Tout en soutenant les indépendantistes catalans, l’actuelle majorité nationaliste tient à affirmer sans ambiguïté aucune que c’est de l’autonomie dont il est aujourd’hui question et uniquement de cela. Son argument est fondé sur les différences économiques qui séparent la Catalogne de la Corse. Il y aurait selon eux une réelle possibilité d’indépendance pour les Catalans parce que leur système économique performant les y autorise. Ce qui, toujours selon leurs propos, n’est pas le cas en Corse, pays dans lequel il s’agirait dès lors de construire une économie. En termes plus explicites, cela signifie une économie compétitive dans le cadre de la mondialisation capitaliste. Ce raisonnement largement partagé dans les sphères nationalistes irlandaises et basques témoigne d’un virage entamé par une partie des directions réformistes depuis une quinzaine d’années. Certes, il fallait sortir des impasses dans lesquelles les tenants de la lutte armée avaient engagé les mouvements de libération. Mais aux yeux des réformistes, cela ne constitue qu’une étape. Le vrai projet demeure d’engager leurs pays respectifs sur le chemin unique de l’économie de marché.
En raison de l’effondrement des régimes poststaliniens et des renoncements de la social-démocratie, des générations entières se sont trouvées éloignées de toute idée de socialisme. Cela a pesé également sur les luttes de libération nationales. De nouvelles directions se sont alors imposées. Issues de la petite bourgeoisie, elles tentent aujourd’hui le pari d’un capitalisme « régulé ». Et c’est principalement de cette tentative que vont surgir de très fortes contradictions avec le monde du travail.
Notre rôle, celui des militants de l’autodétermination et d’un socialisme autogestionnaire, est donc de défendre des revendications à caractère démocratique tout en proposant une alternative à ces politiques libérales. Car recomposition il y a et il y aura sans doute plus encore demain. Le nationalisme interclassiste a eu le mérite d’opposer à la puissance occupante une forme de front démocratique. Cela peut perdurer jusqu’à l’officialisation probable d’un statut d’autonomie. En attendant, l’enjeu que constitue la masse des abstentionnistes issus des classes populaires est majeur. Et ce serait une grave erreur d’en minorer, voire d’en ignorer l’importance politique. Avec une extrême droite dont l’influence est réelle dans ces franges de la classe populaire, le danger d’une exacerbation des tensions sociales sur fond de racisme s’avère plus que présent.
Loin de tout sectarisme, nous sommes disposés dans un premier temps à initier un travail sur des dossiers stratégiques à l’adresse de la collectivité unique pour qu’à tout le moins, tous les arguments soient envisagés et confrontés.
L’alternative vitale qui doit être proposée par le monde du travail, passe dans tous les cas de figure, par la mise en chantier de réflexions, d’analyses et de mobilisations avec la construction d’un mouvement regroupant les femmes et les hommes prêt(E)s à s’engager dans la seconde étape de la lutte : l’émancipation sociale contre toutes les formes d’aliénation.
A MANCA